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qui constituent le sol ou l’atmosphère, à un Être contre lequel l’homme ne peut se défendre que par la fuite, ou par des ouvrages de géant, à l’air, au vent, à l’eau ou à la terre.

Cependant les hypothèses accumulées pendant plusieurs siècles ont été en peu d’années réduites à néant. Dès que l’on raisonna sans préjugé, on s’aperçut qu’aucun des vents incriminés autrefois n’avait l’orientation qu’on lui avait prêtée pour les besoins de la théorie ; on remarqua un peu tard qu’entre les marais pontins et la campagne romaine, les montagnes latines formaient un obstacle couvert de vignobles prospères et de villas parfaitement saines ; on s’avoua que, si les miasmes couraient la mer, il était singulier qu’ils n’atteignissent pas les navires avant les côtes[1]. Enfin on institua des observations et des expériences conduites avec une rigoureuse méthode. Il fut prouvé que ni l’absorption des eaux palustres, ni l’inoculation de la terre prise dans les lieux les plus redoutés ne provoquent d’accès. Après la ruine de toutes les hypothèses caduques, on reprit sur nouveaux frais les observations cliniques et les recherches microscopiques. Enfin, des études entreprises d’un bout à l’autre du monde savant concoururent à mettre en lumière des faits incontestables. Il est désormais certain que la malaria ne se respire, ni ne se boit, et que ce n’est point l’air, ni le vent, ni l’eau qui sert de véhicule au fléau, mais un vulgaire moustique : la déesse Fièvre est un insecte.


IV

Les deux observations initiales sur lesquelles repose la nouvelle théorie de la malaria n’ont pas été faites en Italie. C’est au docteur Laveran, aujourd’hui professeur à l’École du Val-de-Grâce, que revient l’honneur incontesté d’avoir observé, dès 1880, en Algérie, le parasite dont la présence dans le sang humain est la cause directe et unique de l’infection palustre. Ce parasite n’est pas un bacille, mais un protozoaire, qui, en vivant d’abord aux dépens des globules du sang, puis en se répandant dans le sérum sanguin, après la destruction du globule qu’il a dévoré, produit la fièvre et l’anémie[2]. L’existence de la maladie scientifiquement

  1. Tommasi-Crudeli, Il Clima di Roma, Rome, 1886.
  2. Pour les détails, on verra le Traité du Paludisme, publié par le professeur Laveran en 1898.