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aux yeux des passans, l’air de veiller. Le fait a été constaté par un inspecteur.

Cette veillée, dont le législateur a prononcé la suppression, les ouvrières lui sont unanimement favorables, tant que la loi ne pourra abolir le chômage périodique de quatre ou cinq mois par an. Ce mal, contre lequel la force publique est impuissante, la charité tente vainement d’y remédier : philanthropes ou religieux, qui ont formé les œuvres de patronage et d’assistance sur lesquelles a été plusieurs fois appelée l’attention des lecteurs de cette Revue, reconnaissent les premiers que ce sont là des palliatifs tout à fait insuffisans et presque chimériques. Une immense corporation de travailleurs ne peut pas normalement être à l’aumône, et nul ne concevrait qu’il en fût ainsi en un temps où le salaire s’est partout accru, du haut en bas de l’échelle, pour la moitié féminine du genre humain, depuis l’ouvrière de manufacture jusqu’à la simple « bonne à tout faire, » laquelle gagne cinq fois plus aujourd’hui qu’il y a cent ans.

Il est vrai que, pour rien au monde, la plupart des ouvrières de l’aiguille ne consentiraient à « se mettre en service, » à moins d’entrer, avec des gages de 100 francs par mois, dans des intérieurs opulens où elles s’occuperaient uniquement à coudre pour leurs maîtresses. Aux autres métiers d’appoint, aux tâches transitoires que leur offrent des institutions bienfaisantes, elles répugnent manifestement. Sur 50 qui viennent solliciter un jour ces ouvrages un peu vulgaires, 25 ne se présentent même pas le lendemain au poste indiqué, et, parmi les 25 qui sont venues une fois, le plus grand nombre n’y retourne pas les jours suivans.

Un puissant correctif à cette inaction désastreuse serait d’engager les dames qui s’intéressent aux questions sociales à ne passe donner le mot pour commander toutes au même moment, comme elles font, des objets de toilette qu’elles exigent sans aucun retard ; mais personne ne peut sérieusement avoir une pensée aussi singulière. Ce que ni l’État, ni l’Église, ne sauraient améliorer avec des menaces ou des prières, l’intérêt privé, le brutal et sagace intérêt, maître du monde économique, se chargera de le réformer. Les maisons de confection, qui produisent en grand, font faire, par « séries » de tailles différentes, 500 ou 600 costumes du même modèle, aussi bien d’hommes que de femmes, tant d’hiver que d’été. Elles fabriquent à peu près tous les genres : peignoirs ou jupes, corsages ou matinées, manteaux