Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/839

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IV

Tout autres, dans ce domaine du vêtement, sont le but, les moyens d’action, les chances de succès ou de perte du « confectionneur. » Sa clientèle, peuple et petite bourgeoisie, est immense, mais peu fortunée. Cependant elle est sensible à l’élégance. Pour obtenir sa faveur, il lui faut donc offrir un costume dont la tournure attrayante séduise à petits frais. L’émulation des fabricans d’étoffes, les progrès du machinisme dans la coupe et la couture ont permis de réaliser des économies incroyables.

Chaque année, sur la surface du globe, plus d’un million de nouvelles machines à coudre viennent accroître ou remplacer le stock précédemment en usage. D’une seule maison il en sort plusieurs milliers par jour. Construites en vue de besognes très diverses, capables de faire, en certaines spécialités, jusqu’à 2 000 points par minute, à « navette » ou à « chaînette, » à jour ou en zigzag, elles festonnent, soutachent, brodent, piquent, faufilent ou assemblent avec une précision mathématique et une rapidité vertigineuse.

Le travail leur arrive tout préparé par des appareils, dont le public peut suivre en ce moment la marche régulière dans les galeries de l’Exposition universelle au Champ-de-Mars. Avec la « machine à tracer, » il suffit d’appliquer des clichés reproduisant en relief un groupement de patrons et de tourner une manivelle ; en quelques secondes, le cliché s’encre et ses lignes s’impriment sur le tissu avec une netteté parfaite. Une autre machine superpose les étoffes, pour en former des « matelas » destinés à être tranchés en bloc. Elle saisit automatiquement le bout de la pièce, transporte le pli à la longueur désirée, toujours dans le même sens, le juxtapose et le marge exactement, le coupe, puis reprend d’elle-même le pli suivant.

L’épaisseur moyenne de 5 centimètres ainsi obtenue, sur laquelle on place le morceau où les contours du patron ont été reproduits, est portée à un établi que traverse la « scie à ruban. » Cette mince lame d’acier, tournant à grande vitesse, a vite fait de découper l’empilage de drap, d’après les sinuosités que l’ouvrier l’oblige à suivre. Un dernier outil perce et marque les poches aux dimensions voulues. L’ensemble de ces procédés réduit au minimum les frais de fabrication et les déchets inutilisables qui vont