Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/836

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jeune clerk de la Cité, qui fit plus tard au Transvaal une prodigieuse fortune dans les spéculations minières, commandait à la fois une pèlerine de 70 000 francs en zibeline et un voile d’Alençon destiné à orner son manteau de cour, lors de sa présentation à la reine Victoria.

L’élégance masculine ne saurait, de nos jours, atteindre de semblables taux, quelque prodigue qu’on la suppose. D’après les confidences du tailleur le plus renommé, son meilleur client détient le « record » en ce genre avec une dépense annuelle d’environ 20 000 francs.

L’atelier où se préparent les robes comprend deux sortes d’ouvrières : les coupeuses qui débitent l’étoffe, les apprêteuses qui l’assemblent au moyen d’un bâti. Après un ou plusieurs essais, suivis des rectifications nécessaires, le travail se divise entre l’atelier des corsages et celui des jupes. Dans le premier, les « mécaniciennes » piquent les coutures, que rabattent ensuite les « petites mains » auxquelles est dévolu le finissage intérieur et la pose des baleines, noires, grises ou blondes : ces dernières beaucoup plus recherchées et coûtant, lorsque la pêche des fanons a été médiocre, jusqu’à 160 francs le kilo. Le corsage est alors remis aux manchières, puis aux garnisseuses, si spécialisées que les unes font presque exclusivement les boutonnières ou les bas de taille, d’autres les nœuds ou les fioritures légères. Corsagières ou jupières, ateliers de manteaux, de boléros ou de jaquettes, ont à leur tête une sorte d’entrepreneuse responsable à qui le patron paye à forfait les façons de chaque objet.

En ce qui concerne plus particulièrement l’industrie parisienne, les marchandises employées chez un grand couturier se composent d’abord de soieries, dans la proportion de 46 pour 100, de dentelles 13 pour 100 et de passementeries 11 pour 100. Les 30 pour 100 qui restent se répartissent entre les fourrures (8 pour 100), les broderies (7 1/2 pour 100), le juponnage (4 1/2 pour 100), le lainage (3 1/2 pour 100), les plumes (2 pour 100), les fleurs (1,15 pour 100), les baleines de corsage (0,85 pour 100) ; enfin les menues fournitures de lingerie, mercerie, étoffes de crin, dessous de bras, etc., atteignent ensemble 2 1/2 pour 100.

Au point de vue de la clientèle, les fortes maisons de la rue de la Paix ont calculé que les expéditions à l’étranger s’élevaient à 17 pour 100 du chiffre d’affaires ; les livraisons aux commissionnaires, aux couturières américaines et allemandes qui viennent