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un les 15 ou 18 œillets de chaque corset, la nouvelle machine, d’un seul coup, perce tous les trous et y loge en même temps les petits anneaux de cuivre. On donne un apprêt spécial au corset par l’injection de vapeur d’amidon, ce qui le rend plus solide et presque indéformable. Le garnissage y ajoute les dentelles ou les broderies. Enfin il est repassé sur des moules de cuivre chaud, nommés je ne sais pourquoi des « potences », qui communiquent aux « goussets » leur rondeur, aux baleines leur courbure définitive.

Le corset n’a plus alors qu’à être mis en carton ou en caisse, suivant sa destination plus ou moins lointaine : en voici d’alignés sur des bustes-annonces, du galbe le plus sympathique, en partance pour l’Australie et le Canada ; d’autres salles sont uniquement consacrées aux commandes des magasins de nouveautés. Le corset en gros traverse des jours difficiles : telle fabrique de premier ordre, qui gagnait il y a vingt ans 15 pour 100 sur un chiffre d’affaires de 4 millions de francs, voit ses affaires décroître à l’étranger et ne réalise plus qu’un profit de 5 pour 100. Il faut beaucoup de capitaux, énormément de marchandises en magasin, des relations en tous pays, un personnel uniquement occupé à créer sans cesse des modèles : le « mignon » ou l’« aurore, » le « siamois » ou 1’ « impérial, » le « phœbus » ou le « trianon. » Sans parler des catégories intimes : du corset « tuteur » pour les tailles déviées, du « dorsal » pour les épaules à saillies non symétriques, de 1’ « abdominal, » de la « brassière, » des corsets « grossesse » ou « maternel, » ces derniers munis d’un boutonnage automatique pour les mères qui allaitent.

Tous les articles bon marché sont vendus à peu près au prix de revient ; mais aussi la plus humble bourgeoise, l’ouvrière même, satisfait en quelque mesure désormais cette volupté discrète des dessous soignés. Le commerce de détail réalise d’ailleurs d’assez forts bénéfices : les articles payés par le marchand 13 et 28 francs, en gros, sont revendus 18 et 49 francs au public.


II

La toilette des Français de l’un et l’autre sexe représente annuellement une dépense de deux milliards et occupe environ un million de personnes, tant ouvriers que patrons. De ces derniers, Paris en compte 2 000 pour le costume féminin, —