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se trouvant par le travers des côtes du Pérou). — Les hommes commandés pour aller pendant l’après-midi travailler à la peinture des mâts refusent de se lever de leurs cadres. Un nommé Muller, Allemand, déclare d’un air insolent que, sur les grands navires, on ne travaille pas l’après-midi. « Pourtant, est-il venu dire ensuite, si vous l’exigez absolument, capitaine, nous irons. » Ces gens-là ne me connaissent pas. J’ai répondu qu’il y avait eu refus d’obéissance et complot, que c’était acquis, noté, et que les coupables en répondraient devant qui de droit à l’arrivée. Ainsi, l’équipage prouve déjà, par son attitude, qu’il prépare un mauvais coup.

« J’aurai soin d’être toujours armé et l’œil au guet.

« 21 décembre (dans les parages de la Patagonie). — De nouveau leur insubordination vient de se trahir. Un vol a eu lieu dans la cale. A cinq heures du matin, les hommes du quart, étant ivres, refusent le lavage du pont. Je suis prévenu, je me lève et j’ordonne au maître d’équipage une fouille dans le poste. Plusieurs bouteilles de cognac sont trouvées sous les couchettes.

« Un peu plus tard, un matelot menace de mort le second. Le pilotin me rapporte ce fait étrange, que le lieutenant Brown, un Anglais, au lieu de venir au secours du second, son chef, s’est croisé les bras et s’est mis à rire. Oh ! oh ! ... alors le lieutenant serait le meneur secret des révoltés ?

28 décembre. — Le mouvement parait s’accuser. J’avais cru un instant que les hommes en voulaient autant au second qu’à moi et songeaient à nous supprimer tous les deux ; mais non, le second cherchait à me donner le change. En effet, il y avait aux fers un nommé Coffin, un Gallois, un affreux drôle que le marchand d’hommes de Portland a dû me donner exprès. Ce Coffin avait frappé le second après l’avoir menacé. Or, le Gallois a brisé ses fers, les a jetés par le hublot, et, quand l’homme de veille est entré dans son cachot, il s’est rué sur lui, l’a terrassé, et s’est évadé. J’ai alors fait venir le second et lui ai dit que j’allais de nouveau faire empoigner son agresseur, qu’on attacherait avec de solides cordes. Le second m’a répondu qu’il trouvait que Coffin avait été assez puni d’un acte commis alors qu’il était ivre, et m’a demandé de pardonner. Je n’ai rien dit, mais je comprends maintenant que le second doit être du complot. Peut-être est-ce lui qui a touché la plus forte part de l’argent que Roslyn a distribué à ceux qui doivent m’assassiner ? car, si Roslyn