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même après tant de travail, les obstacles, contre toute attente, n’étaient pas encore écartés. Le programme des cours ne paraissait pas bien déterminé, la Turquie ne voyait dans la complaisance de l’Europe qu’un motif de persévérer dans sa résistance, la Grèce était plus effervescente que jamais. J’apporterai sur ce dernier point des témoignages personnels très précis. Je surpris, au lendemain de l’adhésion donnée par les Cabinets à la proposition ottomane, M. Coumoundouros extrêmement irrité, protestant avec un redoublement d’énergie contre ce qu’il considérait comme une défaillance, contre les pourparlers qui allaient commencer, contre toute modification éventuelle des actes de Berlin. L’opposition, encore plus violente, l’accusait formellement d’avoir, en temporisant, trahi la cause de l’hellénisme. M. Tricoupis osa même un jour me déclarer que, si l’Épire était exclue, la Grèce devait repousser fièrement l’offre de la Thessalie. Je réfutai ce sophisme sur un ton sévère en lui disant que je ne discuterais même pas cette parole, puisque un tel refus serait un attentat contre la patrie, la Grèce n’ayant pas le droit de replacer ainsi, par une manœuvre inique, une province de sa race sous le joug ottoman. C’étaient là des excès de langage, mais, ce qui devenait plus grave, le pays s’accoutumait aux idées belliqueuses, une crise ministérielle semblait prochaine, et nous redoutions à chaque instant quelque mesure compromettante, quelque incident de frontière qui eût déconcerté nos efforts. Déjà, malgré nos représentations véhémentes, l’appel des réserves avait été décidé, sous une forme, il est vrai, assez vague, mais c’était un fâcheux symptôme, et nous insistions auprès de nos gouvernemens pour qu’une résolution européenne, à la fois satisfaisante et rapide, coupât court aux objections et aux fièvres de la Grèce en la plaçant devant l’autorité d’un fait accompli. J’eusse mieux souhaité pour elle, sans doute, mais il fallait avant tout la préserver d’entraînemens qui lui eussent été funestes.

Telle était bien aussi la pensée des Cabinets, qui s’empressèrent de notifier à M. Coumoundouros l’ouverture des négociations de Constantinople, ce qui impliquait pour la Grèce le devoir de ne les point troubler et d’en attendre l’issue. Mais une difficulté à laquelle j’ai fait allusion tout à l’heure empêchait encore qu’on n’agît aussi vite que nous l’eussions désiré : les Puissances, unanimes dans la volonté d’en finir, n’étaient pas tout à fait d’accord sur les termes de la conclusion. En outre, les dispositions de la