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des équivoques et s’attacha à les éviter par la netteté de son langage. Il eut soin, dans une dépêche du 13 juin 1880, de déterminer exactement les lignes qui devaient être la base des travaux de la Conférence et de la délégation technique : le cours du Calamas, le partage des eaux depuis le massif du Pinde jusqu’à l’Olympe et à la mer Egée, c’est-à-dire les trois places de Larisse, de Metzovo et de Janina. En même temps, pour être encore plus clair, M. de Freycinet précisa le mandat des représentans de l’Europe, appelés à rédiger « une décision » indiquant le tracé et notifiée ensuite simultanément aux deux parties « avec l’invitation de s’y conformer. » D’après ce document, qui ne souleva aucune objection de la part des autres Cours, il ne semblait pas qu’il pût subsister aucune incertitude sur le caractère de l’œuvre qu’on allait accomplir. Quoi qu’il dût advenir plus tard de précautions aussi sages, M. de Freycinet avait formulé un programme circonscrit, et posé les termes de la question.


V

La Conférence s’était réunie à Berlin sur ces entrefaites. Elle était présidée par le prince Hohenlohe, secrétaire d’État par intérim aux Affaires étrangères, qui représentait, avec une incontestable compétence et aussi une expérience profonde, la politique de l’Empire allemand. Les autres plénipotentiaires étaient les ambassadeurs des Puissances auprès de l’Empereur : pour l’Autriche-Hongrie, le comte Széchenyi, diplomate de haute distinction, doué des qualités les plus conciliantes, et dont l’esprit n’était pas moins agréable que ferme ; pour la France, le comte de Saint-Vallier, qui, par son intelligence de premier rang, son élégance sévère, son instruction solide et la forte trempe de sa nature séduisante et énergique, était assurément alors l’un des hommes d’État les plus éminens de l’Europe ; pour l’Angleterre, lord Odo Russell, qui apportait dans la négociation une science politique pour ainsi dire héréditaire ; pour l’Italie, le comte de Launay, vieilli dans la carrière, ancien membre du Congrès comme son collègue de France ; enfin, pour la Russie, M. Sabourow, naguère ministre à Athènes, et qui connaissait à fond les affaires orientales. Les souvenirs du Congrès, où j’avais rempli les fonctions de secrétaire, avaient paru aux ambassadeurs me désigner pour