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L’initiative de l’Europe, accentuée au fond, mais obscure dans la forme, autorisait à la fois la surexcitation des Grecs et la résistance de la Porte. Comme il est impossible de croire que des hommes d’État aussi expérimentés n’aient point aperçu ces antinomies, j’ai toujours pensé qu’ils les ont laissées subsister volontairement, pour ne pas embarrasser la politique respective de leurs Cours d’une solution soudaine et impérieuse, espérant que leur ascendant amènerait une conclusion amiable, et qu’en tout cas, lorsque les Cabinets seraient plus libres de leur étude, ils demeureraient maîtres de prendre, conformément à la volonté du Congrès, une décision définitive et suprême. Satisfaits de s’être prononcés, ils entendaient sans doute éviter une action trop précipitée et trop rude, et donner aux deux parties intéressées, aussi bien qu’à eux-mêmes, les ressources de la réflexion et du temps. Leur intention était excellente, sans doute, mais ils entraient, comme on va le voir, dans une voie bien lente et périlleuse.


IV

La gravité de la situation indéterminée où le Congrès laissait les affaires grecques se révéla dès la première heure. A peine les plénipotentiaires s’étaient-ils séparés que les deux États conviés à s’entendre attestèrent par des manifestations contradictoires les divergences absolues de leur politique. Le Cabinet d’Athènes et l’opinion publique dans tout le royaume s’empressèrent de montrer la joie la plus vive, en affectant, ce qui était prématuré, sans doute, mais fort habile, de considérer la ligne indiquée par le treizième protocole et à laquelle se référait le Traité, comme désormais acquise, et les pourparlers à suivre avec la Porte comme une simple formalité. Quatre jours après la clôture du Congrès, le gouvernement du roi se déclara prêt à procéder au travail de rectification de la frontière. La Turquie, de son côté, se hâta de prendre position, et publia, le 8 août, un mémorandum résolument contraire à la conciliation souhaitée par les Puissances : ce document net et fier qualifiait sévèrement les prétentions de la Grèce, les déclarait « contraires à tous les principes du droit, » refusait de reconnaître l’abandon de l’Epire et de la Thessalie comme une œuvre pacificatrice, » maintenait sur ces provinces, « heureuses,