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été vif lorsque, un beau jour, le ministre de Chine à Paris a remis à qui de droit une lettre de ce souverain intermittent, qu’on supprime à son gré ou qu’on met tout d’un coup en vedette, et dont on ne sait pas très bien s’il est un fantôme ou un être réel. Dans cette lettre, Kuang-Su demandait la médiation de la France. Il faisait remarquer que de bons et amicaux rapports existaient depuis longtemps entre son gouvernement et celui de la République. Les difficultés qui avaient été soulevées entre eux, notamment sur la frontière du Yunnan et du Kouang-Si, avaient été réglées à l’amiable, — allusion à l’affaire de M. François ; — en conséquence, il ne pouvait pas s’adresser mieux qu’à nous pour demander une médiation dont il sentait tout le prix. Nous allons voir qu’il ne s’en est pas tenu là, et qu’il a jugé aussi à propos de s’adresser ailleurs et de frapper à plusieurs portes : il a d’ailleurs reçu partout une réponse analogue. Lorsque M. Delcassé a lu ce morceau, qui est assez long, il a été frappé d’une omission singulière : il n’y était pas dit un mot de la situation des ministres à Pékin. L’empereur ignorait-il donc quelle était à ce moment la préoccupation principale de toutes les puissances ? Et, s’il ne l’ignorait pas, était-il admissible qu’il ne dit rien, pas même un mot, pour en diminuer l’acuité ? Ce silence, ajouté à celui des ministres eux-mêmes, permettait de tout craindre. D’autre part, il était difficile de croire que l’empereur s’adressât à la France avec toutes les formes de la confiance si notre ministre avait péri, et qu’il fît allusion à la délivrance de M. François si M. Pichon avait succombé. M. Delcassé a fait la réponse qu’il devait faire, à savoir qu’il répondrait par l’intermédiaire de notre ministre à Pékin, et que le gouvernement chinois pourrait aller se renseigner à la légation de France. Eh quoi ! La communication officielle du gouvernement chinois montrait que Pékin n’était plus séparé du reste du monde : dès lors, nous devions demander avant tout qu’on nous donnât des nouvelles de nos ministres. Ce n’était pas tout, ces ministres devaient être libres, et montrer qu’ils l’étaient en rentrant en communication avec leurs gouvernemens. M. Delcassé mettait cette condition à tout échange de vues ultérieur. Était-elle donc irréalisable ? On pourrait le croire, puisqu’elle n’a pas été réalisée, du moins jusqu’à présent. Li-Hung-Chang, à Shanghaï, s’est pourtant fait fort de transmettre à M. Pichon une dépêche de notre consul et d’en avoir la réponse en cinq jours ; mais le terme fixé est atteint et on attend encore. Quoi qu’il en soit, la réponse du gouvernement de la République ne parait pas avoir donné pleine satisfaction au gouvernement impérial. Aussi, après s’être adressé à nous.