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boxeurs et sociétés secrètes en chine.

l’opinion que nous avons indiquée plus haut et d’après laquelle il n’existerait pas de Société des Boxeurs. Mais nous croyons que l’exception dont il s’agit est une excuse fournie par le gouvernement à toutes les Sociétés secrètes, auxquelles on indique ainsi l’argument à invoquer : « Mais nous ne sommes que des gymnastes, préoccupés de fournir à la Cour de bons soldats. »

Second édit : il blâme, pour la forme, les Boxeurs, mais, dans le fond, il justifie leur agression contre les étrangers et les chrétiens indigènes. Et il accuse ces derniers de s’être convertis uniquement « pour des motifs bas et intéressés. » Il nomme les Boxeurs non pas « les rebelles, » mais « nos frères. » Il les innocente, par omission, des meurtres commis, et, explicitement, de la destruction des chemins de fer et du pillage des missions, qu’il met au compte des gens sans aveu qui se seraient joints à ces braves Boxeurs pour profiter des troubles, et qui compromettaient par leurs excès ces dignes champions de la Chine.

Enfin, et ceci est la preuve la plus convaincante, le général Nieh, charge de réprimer l’insurrection, et ayant pris son rôle trop au sérieux, est blâmé par un édit secret pour avoir employé la « violence » dans la répression, au lieu d’user de conciliation et de douceur. On lui ordonne de ramener ses troupes au camp de Lou-Taï, à 80 milles du lieu de son engagement avec les Boxeurs. Avec 1500 hommes, armés et exercés à l’européenne, Nieh avait tué 500 hommes à une force de 4000 Boxeurs entre Yang-Tsoun et Lo-Fa. Sur la route de Ta-Kou, il avait avec 30 cavaliers tué 21 rebelles. Voilà une baïonnette par trop inintelligente : on s’en débarrasse et l’on sera plus content des soldats de Toung-Fou-Siang, c’est-à-dire de la garde même de l’Impératrice douairière, qui assassinent en plein jour un étranger revêtu d’un caractère officiel, le chancelier de la légation du Japon.

Tous ces faits avaient éclairé suffisamment l’opinion dès le milieu de juin. Nous ne les rappelons que par acquit de conscience, depuis que les « réguliers » chinois ont assiégé et bombardé les Européens dans Tien-Tsin, que l’ambassadeur d’Allemagne a été assassiné et les légations détruites à Pékin. Voilà donc acquis un fait assez singulier : la situation de la guerre des Taïpings est complètement retournée ; alors, la dynastie appelait les diables de l’Occident à son aide contre les Sociétés secrètes insurgées ; aujourd’hui, la dynastie détourne contre les étrangers un de ces mouvemens insurrectionnels si fréquens dans l’histoire du pays et fait cause commune avec les sociétés secrètes contre les Occidentaux.