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V

On sait ce qu’est la banquise, le pack. C’est une plaque glacée d’une grande étendue, non rattachée à la terre, qui flotte et se déplace sous l’action des vents et des courans. Les glaces qui la forment sont d’origines diverses : glace d’eau marine, glace de la chute des neiges tassées et soudées, glace des glaciers et des icebergs réunies au bord du continent polaire. La part dominante, dans la formation de la banquise appartient à l’eau marine. La couche superficielle de la mer se congèle sous l’influence d’un froid de 2 ou 3 degrés au-dessous de 0, suivant son degré de salure et d’agitation. Cette plaque glacée surnage une eau qui est presque à la même température : c’est la couche froide. À mesure que l’on descend sous les profondeurs, le liquide se réchauffe lentement : et dans les fonds il reste toujours entre 0° et + 1°. Cette couche, relativement chaude s’amincit de plus en plus à mesure que l’on avance vers le pôle, mais sans jamais disparaître, tandis que la couche froide varie inversement.

L’épaisseur de la banquise est forcément limitée, puisqu’elle baigne par sa face inférieure dans une eau qui, continuellement, en amène la fonte. Ce n’est que dans les baies fermées où les eaux restent séquestrées, sans communication et sans échange avec la nappe marine, que la glace pourrait augmenter sans cesse. Partout ailleurs, sa croissance a des bornes qui sont bientôt atteintes. Si la banquise se détruit par sa partie plongeante, elle peut, au contraire, s’accroître par sa partie émergée, à la suite des chutes de neige, plus ou moins abondantes. Les deux efforts contraires ne tardent pas à s’équilibrer ; et, en définitive, la plaque flottante ne dépasse pas une épaisseur de quelques mètres, ordinairement un ou deux ; rarement, plus de huit.

Ce qui contribue à augmenter son épaisseur, c’est, en outre de la chute des neiges, l’entassement des blocs déposés à sa surface. La banquise ne forme pas un plan parfaitement uni et régulier. Cette plaque flottante est soumise à des dislocations continuelles. Les vents et les tempêtes la font craquer et la fragmentent en blocs qui sont poussés les uns contre les autres et se heurtent sans cesse, jusqu’à ce qu’ils se soudent de nouveau. Elle subit ainsi des pressions formidables qui amènent des flexions et de nouvelles fractures. Les lignes de cassure sont marquées par des