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de bambou, sur un feu allumé au milieu de la case, qui nous enfume et nous chauffe presque sans discontinuer. La température réelle varie de 25 à 30 degrés. Plus loin, je vois un bonze grimper à un grand arbre pour y recueillir le sucre de palme. On a coutume d’aller suspendre au sommet du palmier des seaux de bambou pour recevoir le sucre ; et l’on met le feu au pied de l’arbre, qu’on flambe pour faire monter la sève. J’ai goûté de ce jus sucré ; il a un peu le goût de fumée. Ailleurs, je regarde fabriquer le ciment indigène, fait de chaux, de sucre, de papier et de suc d’aloès ; on le dit dur comme pierre.

Le soir, sur l’avant du train de bois, on dîne, et combien gaiement ! La lampe à pétrole est posée sur des caisses, à quelques pas de nous, dans un nuage de moustiques et de papillons. Puis l’on s’arrête pour passer la nuit près des villages. J’en profite pour quitter la caï-nha et faire dresser mon lit de camp sous une véranda de pagode. Les pagodes sont lieu d’asile pour les voyageurs et les gens sans famille. Les hommes ont reçu ordre de me faire une enceinte de nattes de bambou, qu’ils jugent suffisante à 80 centimètres de hauteur, et dont je me contente pour dormir, en pleine sécurité, sur la grande place de ce village laotien.

Dans ces escales, je puis étudier sur place quelques-unes des pittoresques coutumes de ce peuple.

En toutes choses, le Laotien va simplement ; il obéit à sa na- ture, sans malice et sans vices comme sans vertus : il va sou-sou, c’est le mot du Laos. Que venez-vous faire ? que voulez-vous ? Je viens sou-sou : flâner sans but, sans raison. Ces gens simples, je l’ai dit ailleurs, ont peu de vêtemens. La femme va en toute pudeur la poitrine découverte, et elle se baigne devant tous, mais très convenablement. Sa draperie-jupe nouée à la ceinture est remontée à mesure qu’elle s’enfonce dans l’eau, et on la voit tout à coup se baisser et nouer sa robe en turban sur sa tête. La sortie du bain s’opère aussi discrètement, par le mouvement contraire. Au Japon, plus entré dans le mouvement de la civilisation, on voit, encore à l’heure présente, les hommes et les femmes se baigner communément et publiquement, sans aucun costume, dans des piscines d’eaux très chaudes, ouvertes sur la rue.

La supériorité sociale de l’homme se marque par une foule de signes extérieurs et de cérémonies diverses. Le premier jour du mariage, la femme s’approche du mari et lui apporte des fleurs.