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tour d’un vase comme dans les pendules de Falconet, ou d’une sphère, ou d’une coupe[1], et l’aiguille dès lors immobile est remplacée soit par le doigt d’une Grâce, soit par la tige d’une fleur, soit par la pointe d’une flèche, soit par le dard d’un serpent. Là encore, toutes les formes sont ordonnées pour s’allier à la forme du cadran tournant. Les Grâces ne s’unissent, les fleurs ne grimpent, l’amour ne tend son trait, les serpens ne s’enroulent et ne font converger leurs dards que pour nous montrer l’heure. Et, à la vérité, l’heure est médiocrement perceptible dans ces œuvres décoratives poussées à leurs plus extrêmes raffinemens, mais du moins l’œil n’en souffre d’aucune sorte, et l’harmonie est complète entre l’engin qu’on décore et l’art qui vient le décorer.

Après Louis XVI, voilà justement ce qu’on ne voit plus. Parfois, on apercevra quelque beau groupe de marbre ou de bronze, — mais rien, dans ce groupe, ne sert au cadran, ni ne le nécessite. L’ornement n’a plus de rapport avec l’objet. Ou bien la place principale est prise par le chronomètre, et les pauvres personnages, fort à l’étroit, ne savent comment poursuivre, autour de ce corps étranger, leurs combats héroïques ou leurs gestes d’amour ; ou bien ces figures occupent toute la place, et le cadran n’est guère plus que leur montre qu’ils ont laissée choir. Parfois encore, le cadran est venu se loger au beau milieu d’une architecture grecque, comme un boulet turc dans le Parthénon. Si on l’enlevait, non seulement on ne déparerait pas un ensemble, mais on réparerait un dommage.

Cette déchéance de l’art, on peut la suivre à peu près exactement à la place qu’occupe le cadran dans l’ensemble de l’Horloge. Cette place a beaucoup varié. Au XVIe siècle, nous le voyons logé au milieu de l’édifice décoratif. Plus tard, lors de l’application du pendule, il est monté tout en haut des régulateurs, puis il est redescendu un peu pour se placer au-dessous des globes célestes, dans les meubles astronomiques de Castel et de Caffîeri. Mais, quelles que fussent ses vicissitudes, le cadran n’a jamais cessé, à toutes les bonnes époques de l’art, de se tenir plus qu’à mi-hauteur de l’ensemble. Depuis le XVIIIe siècle, au contraire, il n’a cessé de descendre insensiblement du haut du monument, jusqu’au bas. Si l’horloge était symbolisée par une statue, toujours

  1. Musée centennal du Mobilier et de la Décoration aux Invalides.