Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/588

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chancelier, sont en train de « tuer le parlementarisme par les parlemens, » il faut, non les tuer elles-mêmes, mais les mettre hors d’état de nuire et en état de servir. Si c’est, enfin, la médiocrité du personnel parlementaire qui fait obstacle au parlementarisme, et si cette médiocrité dérive d’un mode défectueux du suffrage, il faut, pour améliorer le personnel, améliorer avant tout le mode de suffrage.

C’est par là qu’il faut commencer ; il faut aller tout de suite à la racine. La cause des causes du mal étant dans le suffrage universel inorganique, c’est là qu’il faut couper l’effet, en organisant le suffrage universel. Pour mettre le parlement hors d’état de nuire et en état de servir, il faut, dans le parlementarisme, limiter la place et le rôle du parlement. Pour rendre de la force et de la vie à l’exécutif, il faut donner en pouvoirs positifs au président de la République ce qui peut lui manquer en pouvoirs « imposans, » ce que la simplicité républicaine enlève au chef de l’Etat en « majesté. « Pour que l’exécutif reprenne au législatif ce que le législatif lui a indûment et irrégulièrement ôté, il faut refaire entre eux la distinction, la séparation, placer en dehors du législatif le fondement et l’origine même de l’exécutif.

Tel est le programme, quels sont les moyens ? L’organisation du suffrage universel est la maîtresse pièce du système : c’en est aussi la plus lourde à remuer ; non pas que les moyens manquent, — l’embarras serait plutôt dans leur nombre et leur variété, — ni que les cadres soient à chercher très loin, mais il y a lieu de se garder avec un soin jaloux de tout ce qui aurait même une apparence de ressusciter dans le suffrage des inégalités, et des classes, ou des castes, ou des ordres dans la nation. Quant aux moyens de limiter le rôle du parlement, il en est de trois espèces. Le parlementarisme, au sens vulgaire du mot, peut être limité : despotiquement, comme sous l’Empire, par l’abolition des prérogatives traditionnelles, ou par l’absence de sanction aux blâmes et aux remontrances de la Chambre ; populairement, comme en Suisse, par le referendum ; juridiquement, comme aux États-Unis, par une Cour suprême. Inutile de dire que c’est ce dernier moyen qui, dans une démocratie organisée, devrait avoir la préférence, mais sans qu’il fût interdit de voir s’il ne serait pas possible de le combiner avec le second : un frein en haut, un frein en bas, la marche du parlementarisme n’en serait que plus mesurée et plus assurée. Le moyen que le Président de la République