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premier emporte ses beaux écus, le second lui rapporte de belles phrases ; et, comme c’est là, pour lui, tout le parlementarisme, il soupçonne une énorme mystification. Il ne se sent pas plus aisé, il ne se sent pas plus libre, il ne se sent pas plus fier ; il a l’impression vague de soutenir sur ses épaules un monde qui lui est étranger : des partis qui se servent et qui ne le servent pas : principes, projets, promesses, professions de foi, proclamations et protestations, tout cela, tout cela, bavardage, ballons de baudruche, bulles de savon, air artistement travaillé ! Toujours de la politique parlée ; jamais autre chose que des bouches soufflant du vent aux quatre coins de la tribune ! Pourquoi dès lors ne se prêterait-il pas à en croire ceux qui lui disent que ce régime est entièrement bâti en porte-à-faux sur le mensonge ? Et comment ne le chargerait-il pas de tous les vices, incurables sinon par le fer et le feu ?

Mais pourtant, à remonter froidement de cas en cas et de cause en cause, ces vices certains sont tous réductibles à un vice fondamental, qui ne réside pas dans le parlementarisme même, mais dans les corruptions du parlementarisme, lesquelles sont également toutes réductibles à une corruption première : le mauvais choix du personnel parlementaire, d’où est tiré, jusqu’au sommet, le personnel gouvernemental, et par qui est fourni en quelque sorte à forfait, dans sa clientèle, le personnel judiciaire, administratif, etc. De là, de ce mauvais choix du personnel parlementaire, l’impuissance, l’agitation, l’instabilité ou la servilité, la stérilité, la nullité parlementaires ; de là, la décadence et le discrédit du parlementarisme. Si donc on veut, et si donc il faut sauver le parlementarisme, qu’on ne peut sauver qu’en le relevant, c’est le personnel parlementaire qu’il faut relever. Et si l’on veut relever le personnel parlementaire, s’il le faut, c’est sur le corps électoral qu’il faut agir. — Autant dire que la réforme parlementaire urgente et profonde, c’est sans doute la réforme morale et légale du suffrage universel.


V

Car, après tout, et quand on a tout dit, sans faire grâce au parlementarisme d’aucun de ses défauts, ni d’aucun de ses péchés, il faut conclure, — et ce n’est pas si facile ! — parce qu’il n’y a de solutions simples que les solutions radicales, et qu’ici