Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/575

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mortelles qui protège et prolonge les deux vies, — une dissolution étant la suite ordinaire d’un renversement, de la sorte, une Chambre qui tue un cabinet se suicide.

C’est proprement le gouvernement parlementaire : c’est lui, originairement et essentiellement ; le chef de l’État choisit le chef de l’un des partis, qui forme avec d’autres ministres un cabinet homogène, délibérant, préparant et accomplissant en commun des actes qui entraînent une commune responsabilité, à la fois devant le Roi et devant la Chambre ; car ce chef du Cabinet, qu’il a choisi, le chef de l’État peut le révoquer, et ce chef départi, qu’elle a accepté, la Chambre peut le désavouer. Mais, de ce gouvernement, il était inévitable que toutes les imitations ne fussent pas très fidèles ; qu’il se déformât en se reproduisant ; que sur tel ou tel point le type s’affaiblît ; que tel ou tel de ses caractères s’atténuât peut-être jusqu’à s’effacer ; et que, dans des conditions qui n’étaient pas les mêmes ici et là, et qui nulle part n’étaient les mêmes qu’en Angleterre, les ministres ne fussent plus, en théorie ou en pratique, en droit ou en fait, ici que les hommes du chef de l’État, et là que les hommes du parlement ; inévitable qu’il y eût, par exemple, un simili-parlementarisme prussien et un simili-parlementarisme français, qui ne fussent ni l’un ni l’autre le parlementarisme anglais, et qui, ne l’étant pas, ni l’un ni l’autre ne fussent réellement le parlementarisme.

En Prusse, les ministres ne sont que les hommes du roi. « Le roi règne et gouverne, dirige la politique, choisit ses ministres et les congédie ; au-dessous de lui, pas de conseil homogène et solidaire. » Point de vie ministérielle, ni de mort ministérielle collective ; point d’être ministériel collectif ; point de cabinet. « Chaque ministre, en rapport direct avec le roi, administre en toute liberté son département ; le premier ministre peut adresser à ses collègues des conseils ou des prières, il n’a aucun ordre à leur donner ; le roi est le véritable ministre président, le seul qui ait le pouvoir de prescrire à tous et à chacun... Interprètes de la pensée personnelle du roi, les ministres ne relèvent que de lui ; dès qu’ils ont sa confiance, celle des Chambres leur est inutile ; elles n’ont pas prise sur leurs personnes, et il n’entre dans leur compétence politique ni de les désigner ni de les renvoyer ; elles n’ont à se prononcer que sur leurs actes[1]. » Encore

  1. Ces fortes expressions sont de M. Emile Ollivier. Voyez dans la Revue du 13 juin : Le roi Guillaume de Prusse.