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supprima les secours ; le travail reprit, et avec lui la prospérité reparut. Bunsen raconte qu’il fut témoin à Rome d’un grand incendie que la foule contemplait sans remuer. « Vite de l’eau, des échelles ! » s’écrie-t-il ; on lui répond : « Adressez-vous au gouvernement. On fera de même, dans une société collectiviste, en face des misères à soulager. En Angleterre, où nous venons de voir que l’assistance est obligatoire pour l’État, il arrive souvent que les travailleurs courageux entretiennent un grand nombre de parasites. Dans certains comtés, le nombre des assistés est de un sur dix et même de un sur sept.

Dans les œuvres d’assistance de l’avenir, les deux parties. État et individu, devront apporter leur part proportionnelle. La société a certainement le droit et le devoir de diminuer le plus possible le paupérisme et le nombre des non-valeurs, qui sont pour elle « un poids mort » entravant sa marche. On impose aux citoyens des charges pour la défense des frontières ; on leur impose, en temps d’épidémie, des obligations nouvelles à remplir. En tout temps, pour en faire des électeurs plus indépendans et plus éclairés, on exige d’eux un minimum d’instruction. Pourquoi ne leur imposerait-on pas, dans l’intérêt supérieur du pays, un minimum de prévoyance, principalement sous la forme de l’assurance obligatoire ? Les collectivistes combattent avec acharnement l’idée d’assurance, car elle renverse leur plan de campagne : le jour où l’ouvrier sera assuré contre les désastres matériels qui compromettent son existence, il sera bien plus difficile à enrôler dans l’armée révolutionnaire. Il n’en est pas moins légitime d’imposer l’assurance à ceux qui, par ignorance, indifférence ou mauvais vouloir, ne s’y seraient point soumis.

Mais l’Etat aura beau intervenir de plus en plus, nul mécanisme collectif ne pourra suppléer « l’altruisme » de l’individu. Un socialiste anglais, plus avisé que bien d’autres de notre pays, a proposé pour devise : « Faites d’abord des altruistes pour faire des socialistes. » L’Anglais, qui voit fonctionner la taxe des pauvres, a trop de sens pratique, il subsiste en Angleterre (quelque juste sévérité qu’on doive avoir pour la politique impérialiste) un trop grand respect des idées morales et surtout des idées religieuses, pour que les réformateurs d’outre-Manche se laissent séduire aux utopies de nos révolutionnaires et à leurs systèmes destructeurs de toute moralité. Dans la réforme sociale, a dit un autre socialiste d’Angleterre, le caractère est « la condition