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M. de Montalivet, prévint ce péril. Aussitôt que l’arrêt fut connu et pendant que l’audience l’attendait, il effaça de sa propre main l’écrou que le gardien ne se croyait pas en droit de lever, puis, faisant monter les ministres dans sa propre voiture, leur fit traverser ainsi la foule surprise et les conduisit jusque dans le château de Vincennes, où, sous la garde du brave général Daumesnil, leur vie était à l’abri de toute atteinte. Le souvenir de ces instans critiques agissait assurément sur l’esprit de la Chambre des députés qui discutait au même moment une loi organique sur la garde nationale, et fut un des motifs qui la déterminèrent h supprimer le poste de commandant supérieur si peu compatible d’ailleurs avec les principes constitutionnels. Elle apporta pourtant dans cette décision de tels ménagemens qu’elle déclarait que le titulaire actuel resterait en possession de sa dignité jusqu’à ce qu’il lui convînt à lui-même d’y renoncer. Mais La Fayette avait compris l’intention, et, quelque instance qu’on lui fît, tint à envoyer sa démission. M. de Talleyrand, à qui cette résolution fut communiquée par ses correspondans, avait trop de réserve pour en témoigner ouvertement sa satisfaction. Il n’est pas douteux, cependant, qu’il l’éprouvât. C’était assez d’un ministre des Affaires étrangères officiel avec qui il ne s’entendait pas toujours. Un ministre officieux qui dérangeait souvent son jeu lui causait une gène et une inquiétude dont il était heureux d’être délivré.


DUC DE BROGLIE.