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le surlendemain ? En réalité, ni les bruits qui ont couru ces derniers jours, ni ceux qui courent maintenant n’ont une authenticité propre à nous inspirer confiance. Qui aurait dit, qui aurait cru, il y a quelques semaines encore, que le monde entier pourrait être séparé pendant si longtemps de la capitale de la Chine ? Cette situation, qui dure toujours, n’est que trop favorable aux imaginations les plus sombres. On tremble à la pensée des malheureux qui, s’ils n’ont pas été déjà victimes d’une explosion de barbarie, attendent de leurs gouvernemens respectifs, de leur patrie, de leurs compatriotes, un secours condamné peut-être à arriver trop tard. Car c’est là ce qui augmente l’anxiété générale. Les puissances, malgré leur bonne volonté, ne peuvent rien pour le moment. N’ayant pas prévu ce qui se passe, elles n’y étaient pas préparées, et, quelque hâte qu’elles y mettent, leurs préparatifs ne sauraient être achevés en quelques jours. Il y a une longue navigation à parcourir entre l’Europe et Takou. On se demande si nos légations pourront tenir jusqu’au moment où un corps de troupes internationales parviendra enfin jusqu’à elles. Car un fait paraît certain, au milieu de tant d’autres dont on peut douter, c’est que les légations étrangères soutiennent depuis plusieurs jours les assauts d’une populace furieuse, qui a commencé par renverser le gouvernement lui-même, et qui a été pendant quelques jours maîtresse de la capitale et des environs. L’est-elle aussi complètement aujourd’hui ? Il est possible que non. Les derniers télégrammes permettent de croire que l’insurrection, malgré les succès qu’elle a remportés d’abord, n’a pas tardé à rencontrer quelque résistance de la part de la population chinoise elle-même, ou d’une partie de cette population. On affirme que le prince Cheng, ancien président du Tsong-li-Yamen, s’est séparé des Boxeurs insurgés, qu’il protège les légations étrangères, et que celles-ci reçoivent, par des moyens indirects, les vivres dont elles ont besoin. Ces nouvelles ont un peu changé l’aspect des choses. Elles ont été données par le gouvernement anglais à la Chambre des communes, et, depuis, tous les journaux les ont reproduites. Cependant, nous attendons avec impatience qu’elles soient confirmées.

Un second point qui semble hors de doute est que le gouvernement régulier a été débordé par le mouvement et en a été la première victime. Il aurait ensuite repris le dessus. Peut-être l’impératrice n’a-t-elle pas été aussi criminelle qu’on l’avait cru : en tout cas, si elle a favorisé et encouragé les Boxeurs, elle n’a pas tardé à en être punie. D’après les uns, elle aurait été assassinée avec l’empereur ; d’après les