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IV. — LA DEFENSE DES COTES

Rappelons tout d’abord le très judicieux principe du général de Miribel : « A la marine les luttes sur mer, à l’armée les luttes sur terre. »

Dans un discours très humoristique et fort applaudi, mais par trop optimiste, en ce qui concerne l’état de défense, au matériel et au personnel, de certains points importans de notre littoral, le ministre de la Guerre a fait passer, avec beaucoup d’originalité, sous les yeux de la Chambre toutes les opérations d’embarquement, de débarquement, et... de rembarquement d’un adversaire idéal qui tenterait d’envahir nos côtes. Il a démontré, avec autant d’esprit que d’à-propos, que la question s’est bien transformée depuis le siècle de Louis XIV et le règne de Napoléon, que la véritable défense des côtes se trouve à 50, 60, 70 et même 80 kilomètres du littoral, là où sont situés les nœuds importans de nos voies ferrées.

Cette partie de la défense, la plus importante à coup sûr, appartient sans conteste au département de la Guerre.

Mettant ensuite en parallèle un ministre de la Marine acceptait de manœuvrer avec un pied sur l’eau et l’autre sur terre, et un ministre de la Guerre acceptant la responsabilité de la défense d’une maison dont les portes ne lui auraient pas été confiées, le général de Galliffet a excité l’hilarité générale et a conclu, aux applaudissemens de la Chambre : « Le ministre de la Marine sur l’eau, le ministre de la Guerre sur terre ; hors de là, pas de salut. »

En France, on a toujours raison, quand on a su mettre les rieurs de son côté.

N’en déplaise à un ancien général de cavalerie, les canonniers des batteries de forteresse, si exercés qu’ils soient à des tirs sur des buts mobiles, ne sont nullement préparés au tir sur des buts flottans ; les artilleurs de terre sont eux-mêmes bien trop mobiles et bien trop nombreux, pour pouvoir y être convenablement éduqués ; les règles de tir de l’artillerie de campagne, celles de l’artillerie de siège et de forteresse ne sont pas les mêmes que celles de l’artillerie de la Marine pour le tir de côtes, puisque les unes et les autres ont été l’objet de manuels distincts. Un artilleur de terre ne saura généralement pas distinguer un navire de commerce d’un navire de guerre, un bâtiment ami d’un bâtiment ennemi, ce qui ne manque pas de constituer parfois, pour les marins eux-mêmes, une difficulté sérieuse ; les canonniers