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Tous les argumens présentés avec tant de talent sont inspirés, comme ceux de M. Gaudin de Villaine, des angoisses que nous avons tous ressenties au lendemain des événemens de Fachoda ; nous nous empressons de rendre hommage aux nobles sentimens patriotiques qui les ont dictés, mais tous procèdent des mêmes conceptions stratégiques erronées, malheureusement bien françaises ; tous reposent sur une vaste erreur de principe.

Que pouvait-on répondre au ministre de la Guerre disant : « Le gouvernement, après avoir étudié la question du rattachement ou du maintien au ministère de la Marine, a pensé qu’à dater du jour où ce ministère s’était dessaisi des Colonies, on n’avait plus eu la moindre raison de lui maintenir les troupes de la marine ou troupes coloniales. »

Cette argumentation est à coup sûr très logique, au point de vue où le ministre a tenu à se placer. La création du ministère des Colonies a entraîné le décret du 4 septembre 1889, qui remet l’administration et le budget des troupes au département des Colonies ; elle a engendré le décret du 3 février 1890, qui confie à des gouverneurs civils le soin de la défense intérieure et extérieure ; tout récemment encore, elle a conduit à donner à ce département civil, légalement irresponsable, effectivement incompétent, la moitié la plus importante des points d’appui de la flotte sur l’Océan. Nous marchons logiquement, comme couronnement de l’œuvre, à donner à ce même ministère l’armée coloniale elle-même : le ministre de la Guerre et M. Chautemps ont eu soin de nous le faire pressentir. Que conclure, sinon qu’une première faute grave en entraîne nécessairement, par une chaîne ininterrompue, une foule d’autres ?


Le ministre de la Guerre et le président de la Commission de l’armée ont encore été très bien inspirés en développant devant la Chambre et le Sénat les considérations qui vont suivre :

« Qui recrute, qui alimente et qui arme les troupes coloniales ? Le ministre de la Guerre. Qui forme les officiers appelés à les commander ? Le ministre de la Guerre, à l’École polytechnique, à Fontainebleau, à Versailles pour l’artillerie et le génie, à Saint-Cyr, à Saint-Maixent pour l’infanterie. Plus tard, quand il s’agit de perfectionner les officiers qui seront appelés aux hautes fonctions de l’armée coloniale, qui les perfectionne ? Le ministre de la Guerre. Qui utilisera ces troupes ? Le ministre des Colonies aux colonies, le ministre de la Guerre en France. — Ni par leur origine, ni par leur éducation, ni par leur