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d’Anvers dont toutes les transactions de commerce et de toute nature ne peuvent s’opérer que par sa communication avec la mer. Il n’y eut qu’une opinion dans la Conférence sur ce moyen vraiment dérisoire de se jouer de la décision qu’on prétendait observer. Il était évident qu’on était en face du dessein prémédité de trouver un motif de ne pas obéir, dans l’espérance qu’un incident imprévu mettrait en désaccord les puissances représentées à la Conférence et viendrait infirmer ses décisions.

C’est effectivement le calcul dont le roi des Pays-Bas ne devait pas, comme on le verra, se départir pendant près de deux années et qui, avec son obstination naturelle, explique sa longue résistance à accepter une nécessité qu’il se refusait toujours à reconnaître comme définitive. Mais cette fois, loin d’amener le conflit, l’incident imprévu qui était l’objet de ses vœux secrets en écartait indéfiniment la chance, et son principal défenseur dans la Conférence, le ministre de Russie, ne pouvant plus menacer de la foudre, perdait une partie de son influence. Il faut ajouter que d’avance il avait ouvertement blâmé les tergiversations ridicules du roi de Hollande, et que par l’influence de Mme de Lieven (qui s’en vante dans sa correspondance avec le premier ministre lord Grey) il l’avait engagé à n’y pas persister. M. de Talleyrand jugea donc que le moment était venu de faire prendre à la Conférence une décision qui coupât court à tout espoir de retour vers un passé qui ne pouvait plus renaître. Après une discussion très vive qui ne dura, nous dit-il, pas moins de sept heures, la Conférence, conformément au désir des envoyés anglais et français, décida, par un protocole qui dut être communiqué au roi de Hollande que l’amalgame parfait et complet que les puissances avaient voulu opérer entre les deux pays n’ayant pu être obtenu, il serait désormais impossible à effectuer ; que dès lors, il était indispensable de recourir à de nouveaux arrangemens. Elle engagea les plénipotentiaires du roi des Pays-Bas et le gouvernement provisoire de Belgique à envoyer à Londres des commissaires munis d’instructions assez complètes pour être entendus sur ce qui pourrait faciliter ces nouveaux arrangemens.

En apparence cette déclaration semblait ne faire que consatrer un fait accompli ; mais, si l’on songe dans quel état d’incertitude la Conférence s’était réunie, c’était un résultat important, que d’avoir fait constater, par le concours de toutes les puissances, que sur un point capital les traités de 1815 avaient vécu. C’était