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les parties basses. Plus grands que les Khas, le teint plus clair, ils sont la race supérieure. Ils sont généralement tête nue, les cheveux en brosse, vêtus d’un simple sampat.

Les Lus, les Méos, les Yaos occupent les parties hautes de la montagne. Les Méos cultivent surtout l’opium, et les Yaos, venus de Chine, se livrent avec grand succès à la culture et à l’élevage.

Au marché de Luang-Prabang, j’ai souvent rencontré ces curieux habitans des montagnes et surtout les Khas, trois fois plus nombreux que les Laotiens, et qui se subdivisent en plusieurs branches. Généralement de petite taille, ils ont le teint foncé, le nez large et épaté, les cheveux plats retombant sur le front et réunis en (chignon en arrière. C’est la race exploitée par messieurs les Laotiens ; et voilà pourquoi les femmes khas se tiennent encore isolées tout à l’extrémité de la longue avenue du marché.

On distingue les Khas-Lemet, les Khas-Kouang, les Khas-Mouk, les Khas-Mouceu, Khas-Païe et les braves Khas-Sak, dont la simplicité et la bonté font l’objet de mille légendes.

Ce sont eux, lorsque le roi change de demeure, qui viennent tirer des flèches dans les poutres du palais pour en chasser les mauvais esprits. Ce sont eux encore qui viennent chaque année prier solennellement les dieux de leur réserver toutes les calamités, et de les épargner à « leurs frères cadets » les Laotiens. Les Khas et les Laotiens se tiennent en effet pour frères, ils se disent sortis les uns et les autres de la « citrouille, » et jusqu’à présent les Khas ont gardé pour eux toutes les misères.

On raconte qu’au temps jadis Khas et Laotiens étaient partis ensemble de Dien-Bien-Phu pour aller au Laos occuper le territoire de Luang-Prabang. Il avait été entendu que les premiers arrivés feraient une entaille à un certain arbre pour établir leur droit et que le pays leur appartiendrait. Les Laotiens étaient partis dans une pirogue d’or, tandis que les Khas avaient une pirogue de cuir, qui « filait comme poisson dans les rapides. » Ce que voyant, les Laotiens, dont la pirogue était chargée de vivres, proposèrent à leurs « frères aînés « de changer de pirogue. Le changement eut lieu ; mais les Khas ramaient si bien et si fort qu’ils n’en arrivèrent pas moins les premiers. Ils marquèrent l’arbre, puis s’en allèrent voir le pays dans la montagne. Quand ils revinrent les Laotiens étaient installés. En vain les Khas montrèrent