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peur des complications leur ont permis, depuis longtemps, d’envahir sur la rive droite du fleuve la bande neutre de 25 kilomètres stipulée par la convention de 1893 et cela pourra plus encore compromettre l’avenir de l’Indo-Chine. Il suffirait, ce qu’à Dieu ne plaise ! qu’une nation ennemie voulût étendre la main pour s’emparer du merveilleux grenier d’abondance qui s’appelle Bangkok et le Siam.

Le second roi est délégué à l’administration du territoire de la rive siamoise. Dans cette dualité royale, le premier roi représente la sagesse, la raison : esprit très ouvert et très pondéré, il est le régulateur de la situation. Le second roi représente l’initiative et l’action : nature plus ardente, il aime le progrès, mais son autorité est plus rude ; très intelligent, prompt à s’enthousiasmer pour une idée, il est énergique dans l’exécution. Bref, ces deux princes, par la diversité de leurs qualités, se complètent admirablement l’un l’autre.

Le Sénam est le conseil royal composé héréditairement des membres de certaines familles. Le roi peut créer de nouveaux membres du Sénam, mais il ne peut jamais les révoquer. Jusqu’à l’occupation française, le Sénam intervenait au nom du roi. C’était une sorte de Chambre des pairs très puissante, investie du droit de remontrance. Les actes du gouvernement portaient : « Le Sénam et le Roi ; » cet ordre est à remarquer. Maintenant le roi donne seul la signature. Il y a tout un cérémonial pour porter au Sénam un message du roi. C’est un page, un matélek, qui doit le remettre ; et pendant qu’il parle au nom du roi, il se tient debout devant les mandarins. Son message accompli, il se prosterne, et se tient à terre devant ses supérieurs.


Le lendemain de mon arrivée à Luang-Prabang, je suis allée avec le commandant supérieur faire visite à Sa Majesté Zaccharine, qui a la plus sérieuse physionomie de souverain d’Orient qu’il m’ait été donné de voir. A la porte du palais royal, les petits miliciens en ligne ont sonné le clairon, le cher clairon français, que j’avais retrouvé à Xieng-Khong avec les miliciens, tous Khas-Kouang, organisés par le commandant supérieur pour la garde du royaume. Tandis que nous montions à la terrasse du palais, le roi est venu au-devant de nous d’un air affable. Il est plein de dignité et de simplicité, son expression de physionomie est tout européenne. Toutes ses questions portent. C’est un homme