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Des impôts perçus sur le territoire du roi de Luang-Prabang, soit sur la rive française, soit sur la rive siamoise, car son royaume s’étend à la fois sur l’une et l’autre rives, le gouvernement français touche une moitié, et le trésor royal encaisse l’autre moitié. Un agent français pour notre compte et un agent indigène pour le compte du roi, assurent le service des finances. Le budget du royaume est établi à Luang-Prabang, par un accord entre le roi et le commandant supérieur, et il est approuvé par le gouverneur général. Les recettes proviennent des impôts, des amendes et des frais de justice, des mines et des régies de l’opium et de l’alcool. Les dépenses comprennent la liste civile du roi, du second roi, du frère du roi ; le traitement donné aux fonctionnaires en échange des villages khas qui leur ont été retirés ; la moitié des frais de construction de l’école et de l’hôpital français de Luang-Prabang, qui servent pour tout le haut Laos ; certaines dépenses prévues de travaux publics ; un jardin d’essais nouvellement créé par M. Vacle ; et enfin toutes les dépenses indigènes afférentes au royaume de Luang-Prabang.

Autrefois, quand le Luang-Prabang était tributaire du Siam et lui devait « les fleurs d’or et d’argent, » le Siam envoyait le feu qui devait brûler les rois. Aussi, aux fêtes luxueuses qui avaient eu lieu un an avant mon arrivée pour les funérailles du vieux roi, le commandant supérieur dut-il présenter en grande pompe le « feu de France. » Une longue pièce d’étoffe, tendue du char funéraire au sommet de la pagode, symbolisait la voie qui devait mener au ciel le roi défunt. Vingt grands plateaux furent solennellement présentés au cours de la cérémonie ; chacun d’eux portait deux cent cinquante fruits ; dans chacun de ces fruits était renfermée une pièce de 1 franc ou même de 1 roupie, et ces cinq mille fruits furent jetés au peuple. Les fêtes durèrent huit jours, avec luttes de boxe, combats à l’épée et à la canne, et feux d’artifice tous les soirs. Le nouveau roi devait, matin et soir, se rendre à la pagode dans le plus solennel apparat.

Le roi actuel, Sa Majesté Zaccharine, a succédé à son père en 1896 et a été couronné par le commandant supérieur le 14 juillet de cette même année. Il est pour nous l’allié et l’auxiliaire le plus précieux que nous puissions rencontrer. Si nous avons des craintes à concevoir dans ce pays, elles ne peuvent naître que du fait des Siamois, résolus à nous créer beaucoup de difficultés sur le Mékong. D’ailleurs, notre attitude passive à Bangkok et notre