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un fleuve navigable en toute saison sur 1 600 kilomètres.

Que demain une société se crée au haut Laos pour exploiter les mines d’or ou les mines de saphir plus septentrionales, la population arrivera nombreuse, et, avec elle toutes sortes d’industries se créeront autour de ces mines. L’agriculture et l’élevage, trouvant à vendre leurs produits, prendront un nouveau développement. Les voies de communication s’imposeront d’elles-mêmes. Et ce haut Laos qui ne nous a pas coûté une seule colonne pour le conquérir, puisque à eux seuls M. Vacle et ses trois collaborateurs en ont paisiblement pris possession, deviendra une colonie florissante, si l’on a recours à des mesures administratives assez libérales, et si l’on sait ne pas reculer devant les sacrifices nécessaires au début de semblables entreprises. J’ai entendu les gens les mieux renseignés et les plus autorisés m’affirmer, avec une foi absolue, le succès de ces mines le jour où l’on voudra bien s’en occuper, et m’assurer qu’en peu d’années, le pays couvrirait ses dépenses.

Malheureusement il semble que ce résultat, le seul que nous ayons à poursuivre, soit retardé comme à plaisir par l’initiative inopportune et anti-économique de certains de nos agens. En effet, le 30 juin 1897, dès le début du trafic développé par le service des Messageries fluviales, on s’est empressé de frapper de droits de sortie tous les produits naturels d’exploitation immédiate du bas Laos : le riz, la cardamone, la gomme laque, le benjoin, l’ivoire, la cire, les pirogues, les ossemens, cornes et dépouilles d’animaux (bœufs, buffles, tigres, cerfs). Les recettes prévues de ce chef au budget du bas Laos pour 1898 ne dépassent pas 15 000 francs, une misère. La même mesure est maintenant étendue, depuis le mois de juillet de la même année, au haut Laos. Or une douane intérieure dans un pays neuf, dans un pays qui pouvait entrevoir la possibilité de s’enrichir avec les produits de son sol, c’est folie et contradiction. Pourquoi ouvrir sur le Mékong une voie de communication, si c’est pour la fermer par des tarifs ? La conséquence est fatale : le mouvement qui s’était créé par l’organisation du service régulier des Messageries fluviales et le courant économique orienté sur Saigon seront arrêtés net par la création de cette barrière intérieure à la sortie du Laos.

On comprendrait, à la rigueur, l’établissement de droits sur les marchandises exportées dans les territoires étrangers voisins :