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créent qu’une grandeur d’imagination ; la guerre, dès le début, lui montre sa faiblesse, il s’obstine dans sa foi, et, sous les coups de la réalité, sa raison chancelle ; le mystique devient un illuminé qui demande des clartés à l’Apocalypse, décourage l’Angleterre parle désordre de ses plans, se prive lui-même de ses meilleurs serviteurs, et, pour compenser ses défaites, destitue et bannit Armfeld.

Dans ce désastre, un dernier espoir luit pour La Ferronnays. L’Espagne était en pleine révolte et tous les princes de Bourbon parlaient de combattre pour leurs cousins spoliés. Le Duc de Berry avait pris feu : « Il voulait partir, partir tout de suite pour se joindre aux bandes espagnoles. » Et il rappelait à grands cris son compagnon. Sur ces entrefaites, une brigade espagnole qui, prise par les Français, avait été internée dans l’Ile de Fionie, trompe la surveillance, débarque en Suède, d’où les Anglais vont la rapatrier. Pourquoi le Duc de Berry ne prendrait-il pas un commandement dans cette troupe, et pourquoi ne redemanderait-il pas, pour cette campagne, son gentilhomme au roi de Suède ? « Vite, vite les fers au feu, écrit La Ferronnays à sa femme, j’ai trouvé le moyen de servir à la fois en Suède et en Espagne. » Gustave IV accorde l’autorisation à La Ferronnays, mais les Anglais la refusent au Duc de Berry, et l’Espagne même, comme si elle craignait de compromettre sa cause, déclare qu’elle n’admettra aucun des princes exilés. Tout est bien perdu cette fois. Il ne reste à La Ferronnays qu’à reprendre auprès du duc ses fonctions stériles, et à vivre, comme disait de Maistre, sous » l’insupportable poids du rien. »

Les Bourbons n’ont plus qu’une puissance, entraîner dans leur ruine ceux qui les soutiennent. L’obstination de Gustave IV à les défendre paraît aux Suédois la preuve la plus certaine de sa folie. Ils le chassent le 13 mars 1809, le remplacent par son frère et, comme celui-ci est sans enfans, élisent pour prince héritier Bernadotte, parce qu’ils croient être agréables à Napoléon. La légitimité a perdu le seul souverain qui lui fût resté fidèle, et ce souverain est un insensé. Vers la fin de 1810, il apparaît en Angleterre, fantôme de prince, vagabond couronné qui vient du pays d’Hamlet au pays du roi Lear. Il demande asile à ceux pour lesquels il s’est perdu. Quel dénuement dans ce proscrit qui frappe à la porte de proscrits, quelle tristesse dans cet exil qui appelle à son secours l’exil, quelle naïveté dans cette confiance que les Bourbons n’ont pas assez de leurs propres misères à porter, quelle