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EN ÉMIGRATION


Souvenirs lires des papiers du comte A. de La Ferronnays, (1777-1814) par le marquis Costa de Beauregard, de l’Académie française. Plon, in-8o, 1900.


« Je ne me sens ni assez de vanité, ni assez d’humilité pour écrire mes Mémoires, » disait M. de La Ferronnays vers la fin de sa vie. Sans qu’il eût à les composer, ils se trouvèrent faits, faits non par l’orgueil ou la modestie, mais par la tendresse.

M. de La Ferronnays avait épousé la plus exquise des femmes. Ce n’était pas seulement leur jeunesse, c’était leur nature qui s’était choisie ; loin que le temps usât la solide douceur de cette union, il leur avait apporté des raisons toujours nouvelles et une fierté croissante de s’aimer. De tels sentimens ne vont pas sans une confiance absolue. Dire et redire dans tous leurs détails ses premières épreuves n’avait pas été pour M. de La Ferronnays le moindre bonheur de l’existence à deux : il se plaisait à mettre en commun avec sa compagne même les jours vécus avant elle, et à être plaint encore pour des maux finis. Quand le service des princes l’éloignait du foyer, il continuait ces chers entretiens en de longues lettres où il racontait les événemens et lui-même. Mme de La Ferronnays avait pour son mari un culte et ce petit excès d’admiration qui est l’impartialité de l’amour. Toutes ces lettres, toujours sous sa main, relues aux heures où la solitude fait plus de vide au cœur, étaient son trésor de l’absence. Et quand vint la séparation après laquelle on n’attend plus de retour, vivre, pour la veuve, fut se souvenir. Elle eut besoin de compléter