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jouent de leur reste et le terme de leur fureur révolutionnaire approche[1]. »


II

Il est possible, en effet, que la marche des événemens eût pris ce tour précipité, si l’avenir de la Belgique eût été la seule question à résoudre et si le tsar eût été en mesure de la trancher seul. Mais loin de se simplifier à ce degré, les termes du problème devenaient, au contraire, chaque jour plus complexes. Le mouvement imprimé par la révolution de 1830, se développant et se généralisant, amenait dans la situation intérieure de tous les États d’Europe, une incertitude et des sujets d’alarme qui rendaient leur action plus gênée et leur accord plus difficile.

D’abord pendant que le congrès délibérait à Bruxelles et que la Conférence discutait les conditions de l’armistice, il n’y avait pas eu moins de deux crises politiques et deux changemens ministériels, l’un à Londres et l’autre à Paris.

A Londres, le ministère conservateur, déjà très ébranlé par les progrès de l’opinion libérale, auxquels il cédait de mauvaise grâce et à contre-cœur, s’était laissé tomber sur un incident sans gravité : c’était une parole maladroite de Wellington, dont le découragement avait pris à la dernière heure un caractère d’obstination puérile assez fréquent chez les caractères qui sont doués de plus de force que de souplesse. Avec lui disparaissaient les derniers représentans de cette politique aristocratique et contre-révolutionnaire dont le grand Pitt avait laissé l’héritage aux Liverpool et aux Castlereagh. L’Angleterre de Waterloo avait cessé d’être pour ne plus renaître, et cédait la place à une Angleterre libérale, presque démocratique, qui arrivait au pouvoir, le drapeau d’une large extension électorale à la main. Pour l’Angleterre, confiante dans la solidité de ses institutions, cela ne s’appelait encore qu’une réforme, mais pour ses anciens alliés, c’était une révolution que Metternich ne craignait pas de nommer une catastrophe.

Nulle part ce changement de scène ne devait être plus complet que dans le parlement diplomatique au petit pied qui tenait séance à Londres. A un ministère qui subissait avec un consentement triste et résigné l’indépendance belge, un autre allait être

  1. Dépêche de M. Bertin de Vaux, ministre de France à la Haye, 18 déc. 1830.