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des trois autres cours ne se serait souciée d’entrer en relation avec des révoltés, et leurs envoyés eussent été peut-être assez mal accueillis. Mais il n’en résultait pas moins que la France et l’Angleterre se trouvaient dès le premier jour exclusivement chargées de la partie la plus délicate de la négociation, celle qui consistait à chercher des conditions acceptables pour une insurrection victorieuse. Aussi Talleyrand s’empressait-il d’écrire : « J’espère que le roi aura vu avec plaisir un armistice utile à la cause de l’humanité et de l’ordre, dans lequel la France et l’Angleterre tiennent le premier rang, tandis que la Russie, la Prusse et l’Autriche n’y paraissent que d’une manière secondaire... L’affaire est donc, comme le roi l’a toujours voulu, entre l’Angleterre et la France[1]. »

La proposition d’armistice ne pouvait manquer d’être acceptée des deux parts, bien que ce dût être avec autant de répugnance à la Haye que d’empressement à Bruxelles. Guillaume, quelle que fût son impatience de combattre, ne pouvait se dérober aux instances des puissances qui disposaient de son sort. Pour le gouvernement provisoire de Bruxelles, c’était tout avantage d’être traité comme un pouvoir reconnu et admis à la qualité de belligérant. Il y eut pourtant quelque réserve des deux côtés. Les Belges n’auraient voulu attribuer à l’intervention de la Conférence qu’un caractère de médiation philanthropique et humanitaire, n’emportant pour eux aucun engagement de se soumettre aux résolutions qui pouvaient suivre. Le roi des Pays-Bas désirait limiter la suspension d’armes à un terme très court et il élevait des difficultés nombreuses sur la ligne d’armistice à tracer, notamment dans les régions riveraines de la Meuse qui n’avaient pas fait partie des Provinces-Unies. De plus, il voulait préserver sa marine des contestations auxquelles pouvaient donner lieu la navigation de l’Escaut et sa double embouchure. Il y eut là de quoi occuper la Conférence pendant plusieurs semaines et lui faire pressentir à quel point, des relations, même provisoires, étant difficiles à établir, on était encore loin de compte pour arriver à un règlement définitif.

Mais ces lenteurs, naturelles aux allures de la diplomatie, ne pouvaient convenir à l’impatience d’un peuple en révolution. D’ailleurs, la situation de la Belgique était très pressante ; dans un

  1. Talleyrand à Madame Adélaïde, 17 novembre 1830.