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pût inspirer la moindre confiance. Le cas n’était pas le même pour son fils, le prince d’Orange, qui avait ordinairement habité Bruxelles, s’y était acquis une bienveillance assez générale et qui, dans la crise récente, avait essayé de faire prévaloir à la Haye des conseils de modération. Ne pouvait-on pas lui conférer, soit une vice-royauté pleinement indépendante, soit même une souveraine autorité ? La princesse sa femme, sœur de l’empereur de Russie, pouvait plaider sa cause à Saint-Pétersbourg, et sa qualité d’héritier de la maison de Nassau donnait satisfaction aux vieilles traditions de l’Angleterre. C’était au moins une épreuve à tenter, et qui réunissait en Belgique (on le croyait du moins) d’assez nombreux suffrages.

Par malheur, un fâcheux incident vint, à la veille même de l’ouverture de la Conférence, compromettre cette dernière ressource de ceux qui espéraient encore une pacification. Après la triste journée de Bruxelles, dont le prince n’avait ni donné le conseil, ni pris la direction, il avait dû se retirer avec les troupes hollandaises en désarroi dans la ville d’Anvers, que la présence d’une citadelle fortement armée maintenait encore dans la soumission à la royauté. De là, il essaya de nouveau de négocier avec le gouvernement provisoire de Bruxelles les conditions d’une suspension d’armes qu’il lui eût été peut-être difficile d’obtenir, mais auxquelles le roi son père, toujours impatient de reprendre la lutte, ne voulut pas s’associer. Découragé par ce désaveu, le prince crut devoir quitter le territoire belge, en faisant d’assez touchans adieux aux populations qu’il aurait mieux aimé gouverner que combattre, et en annonçant qu’il allait chercher ailleurs (c’est-à-dire évidemment en Angleterre) l’issue d’un mouvement qu’il ne pouvait plus ni calmer ni contenir.

Effectivement, à peine arrivé à Londres, une de ses premières visites fut pour Talleyrand, et il écrivit même une lettre assez humble au roi Louis-Philippe pour lui demander d’appuyer ses prétentions.

Seulement, il ignorait peut-être qu’à peine avait-il été embarqué l’insurrection déjà maîtresse de toutes les campagnes environnantes, gagnait la cité même d’Anvers et venait à bout, sans peine, des troupes hollandaises démoralisées. Dans le conflit assez court qui s’engagea, quelques projectiles lancés au hasard vinrent atteindre les murs de la citadelle ; le général Chassé, qui en avait le commandement, se trouvant offensé ou se croyant