Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne bouillait pas encore à 100°, parce que, à ce degré de l’échelle, la tension de sa vapeur n’était pas encore égale à la pression atmosphérique. Un liquide quelconque n’entre en ébullition que lorsque la force élastique de la vapeur émise a graduellement atteint la valeur de la pression barométrique. C’est là, en quelque sorte, la définition même du point d’ébullition. La pression de la vapeur qui s’échappe de l’eau bouillante est de 760 millimètres de mercure : c’est la pression barométrique normale en pays plat, au bord de la mer. En pays de montagne l’eau bout plus tôt, parce que la pression barométrique est moindre à mesure que l’on s’élève. Au sommet du Mont-Blanc (4 810 mètres) la pression barométrique est de 380 millimètres de mercure, c’est-à-dire moitié de ce qu’elle est au niveau de la mer ; l’eau y bout à 84° : c’est la température où la tension de sa vapeur atteint, en effet, 380 millimètres, comme on peut s’en assurer en consultant les tables de Regnault.

Pour en revenir à l’eau salée dont nous nous occupions il y a un moment, nous savons donc que, si elle n’entre pas encore en ébullition à 100°, c’est parce que, à cette température, la pression élastique de la vapeur qu’elle émet n’est pas encore égale à la pression atmosphérique, c’est-à-dire à la tension de vapeur de l’eau pure à 100°. Elle est moindre. Gay-Lussac l’a mesurée autrefois, — et il a constaté que la solution salée (de poids spécifique 1,099) avait à 100° une tension de vapeur inférieure d’un dixième à celle de l’eau pure. L’effet du sel introduit a donc consisté à abaisser la tension de la vapeur émise à 100° d’un dixième de sa valeur. Pour regagner ce dixième et par conséquent atteindre à l’ébullition, il faut élever la température.

Ce que nous disons du sel commun et de la température de 100° est vrai de toute autre substance et de toute autre température. En définitive, la loi qui résume ces observations peut s’énoncer ainsi : la présence d’une matière dissoute élève le point d’ébullition de la solution et déprime la tension de vapeur du dissolvant.

Les choses se passent donc comme si la matière dissoute retenait et fixait le solvant avec plus ou moins de force. Le corps soluble oblige, en quelque sorte, les agens extérieurs à dépenser plus d’énergie pour vaporiser et entraîner le liquide dans lequel il s’est répandu. Cette influence se manifeste sous deux aspects : par l’élévation du point d’ébullition sous la même pression, — ou, ce qui revient au même, par la diminution de tension de vapeur à toute température, quelle qu’elle soit.