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Craignez les jeux cruels qu’on mène en leurs maisons,
Ils vous détourneraient de la sainte nature,
De l’odeur des jardins et du goût des saisons :
Aimez ce qui renaît, ce qui chante et qui dure.

Vivez sans rechercher leur amère union,
Respirez au milieu des plantes et des bêtes.
Ce sont de fraternels et sages compagnons,
Innocens, sérieux et doux comme vous êtes.

Devant la nuit tranquille et la bonté du jour
Ces hommes ont le cœur plein de crainte et de haine,
Et vous êtes enclin aux œuvres de l’amour
Qui répand sa rosée et ne sait pas sa peine.

— Voyez comme leur bruit et leurs emportemens
Accablent le matin limpide et font injure
A la raison, ainsi qu’au juste sentiment
Qui veut que l’on choisisse et goûte avec mesure.

Bondissant sous le joug de leur pesante humeur,
Ils sont bandés de peur, de colère et d’envie...
Et pourtant le jour naît, suit son destin et meurt,
— Ils ne changeront rien à l’ordre de la vie.

Mon cœur, entendez-vous cet oiseau buissonnier.
Tout, en dehors de l’air étincelant, est sombre.
Voici l’été touffu, voyez ce marronnier,
Nous allons tous les deux nous vêtir de son ombre...


Ctesse M. DE NOAILLES.