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M. Augagneur, qui est élu maire. Il vient d’enrichir d’un nouvel article le socialisme communal, en proclamant la nécessité de créer une université municipale dont le programme constituera « la synthèse des connaissances, base de toute conception scientifique de la nature, de l’homme et des rapports sociaux. » Le progrès des socialistes dans les petites villes et dans les communes rurales n’est pas moins important.

Tout cela promet de beaux jours au socialisme municipal, surtout avec un gouvernement qui lâcherait la bride à l’imagination et aux appétits des réformateurs.

Cet exposé, trop sommaire et à vol d’oiseau, permet du moins de se rendre compte des progrès du socialisme municipal, et ne justifie que trop bien les prévisions de M. Léon Donnat, lorsqu’il sonnait, en 1889, la cloche d’alarme. A un mouvement si général et si intense, il est sans doute superflu d’opposer des barrières simplement doctrinales, d’essayer de marquer la limite théorique entre l’action de l’État et celle de l’individu. Autant vaudrait, selon une comparaison chère à Gambetta, essayer d’arrêter la cataracte du Niagara avec un ressort de montre. M. Paul Leroy-Beaulieu parlait récemment de l’accroissement si considérable et de la transformation si rapide des villes, par suite des nouveaux moyens de communication. Dans notre vieux pays de France, toutes les habitations de l’homme sont à reconstruire, et moins encore dans les grandes villes que dans les toutes petites et jusque dans les hameaux les plus humbles. Au point de vue de l’hygiène, de la salubrité des logemens, de l’eau, de l’éclairage, des transports, la tâche de perfectionnement est immense. Le temps des municipalités indifférentes et inertes est désormais passé sans retour. Mais nous distinguerions entre l’esprit social et l’esprit socialiste. Le premier est commun à toutes les classes et s’adresse surtout à l’initiative privée, à l’association libre ; le second est aussi exclusif que l’était par exemple le gouvernement si décrié de la bourgeoisie après 1830, et il fait appel à la contrainte de l’État.

Les partisans exclusifs du socialisme municipal attaquent l’âpreté au gain, le caractère sordide des entreprises privées, au détriment du public : la croissante nationalisation leur semble d’ailleurs le résultat fatal de l’évolution démocratique. Une fois telle branche de l’industrie nationalisée, elle ne revient jamais en arrière. Les adversaires contestent ce fait : n’avons-nous pas vu en