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famille individuelle, appauvrie et désorganisée par la production capitaliste. Elle crée la famille de l’avenir, la famille sociale, celle dont aucun des membres ne manquera du nécessaire pour la vie matérielle, intellectuelle et morale.

Cette commune-Providence choisit entre ses enfans. Comme beaucoup d’autres municipalités socialistes, la municipalité de Roubaix fait de l’assistance politique, électorale, confessionnelle. L’œuvre des cantines scolaires ne s’étend pas aux écoles congréganistes. Les frais, supportés par tous, ne profitent pas à tous. Les enfans catholiques supportent mieux la faim que les autres, paraît-il, ou bien, à leur égard, on part de ce principe, qu’il appartient aux associations privées de pourvoir à leurs besoins. Ce n’est pas précisément l’esprit anticlérical qui anime les socialistes dirigeans, car à Lille et à Roubaix, par exemple, ils vivent en fort bons termes avec le pasteur et le rabbin, sans parler de la franc-maçonnerie très souvent représentée par ses gros bonnets dans les hôtels de ville socialistes et radicaux. Tous sont alliés contre le catholicisme, qui est l’ennemi.

Charité bien ordonnée commence par soi-même. Les maires socialistes s’attribuent des traitemens, réduits par les préfets à la portion congrue, et partagés à l’amiable avec les adjoints. Ces traitemens remplacent, d’après eux, le salaire dont ils sont privés par le soin des affaires publiques. Mais ils ont de plus à satisfaire aux exigences de leurs amis. A Lille, par exemple, les honoraires des employés dans les différens bureaux a augmenté, d’une municipalité à l’autre, de 75 960 francs. La municipalité de Roubaix s’est signalée par un népotisme exagéré. On a relevé les noms de cinquante-deux citoyens, appartenant aux familles directes des édiles, et pourvus de fonctions diverses, pour une somme de 45 200 francs par an. L’adjoint Lepers vient au premier rang : il s’est fait attribuer une pension de retraite de 400 francs pour bons et loyaux services dans le corps des pompiers, deux de ses filles reçoi vent 40 francs par mois dans les cantines scolaires ; son neveu est concierge d’un square ; son fils aîné, cantonnier fossoyeur, etc. De ce népotisme nous ne ferions pas aux socialistes roubaisiens un bien grand crime. L’exemple leur est venu de haut. Plût au ciel que tant de républicains nantis, que M. Waldeck-Rousseau a su grouper autour de lui pour la défense de leur République, eussent été contraints de se contenter pour eux, leurs épouses et leurs rejetons, de places aussi modestement