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1894, relative à l’interdiction d’une pharmacie municipale à Roubaix, M. Guesde s’écriait :

« Vous comprenez que le jour où les municipalités déjà socialisées seront passées aux mains du parti ouvrier et pourront apporter à leurs administrés les améliorations immédiates, si insuffisantes soient-elles, que contient notre programme, il y aurait là une de ces propagandes par le fait qui, au lieu de 100 communes que nous pouvons posséder aujourd’hui, nous en donneraient 10 000, 15 000, à la prochaine consultation. » M. Lafargue estimait de même, que, s’il ne fallait pas songer à arriver à la solution du problème social, à la suppression du salariat par la disposition du pouvoir administratif dans la commune, le socialisme municipal était un champ d’entraînement pour déloger des mairies la féodalité terrienne. L’assemblée municipale devient ainsi une école d’administration préparatoire pour exercer les cerveaux à la direction des grands services collectivistes. Enfin, les Conseils municipaux sont utiles pour la conquête de la Chambre, indispensables pour celle du Sénat. La France se réveillera un beau matin collectiviste, comme elle s’est réveillée républicaine en 1870, et la société bourgeoise elle-même est intéressée à cette éducation politique et administrative du prolétariat, auquel appartiendra bientôt le pouvoir, et qui rendra la Révolution moins violente. Pour M. Bonnier[1], la possession des municipalités apparaît plus importante que celle du Parlement. C’est la vie nationale qui tombe peu à peu dans les mains socialistes. D’après M. Adrien Veber, le prolétariat, en s’emparant des communes, suit la même méthode d’affranchissement qui a si bien réussi à la bourgeoisie. Pendant que, d’un bout de la France à l’autre, la féodalité se montrait à cheval et en armes, l’association communale a marqué la phase guerrière de la bourgeoisie. Elle peut exercer la même action, entre les mains des prolétaires, contre les exactions et le brigandage des hauts barons de la finance et de l’industrie. Sans doute le pouvoir communal reste encore outrageusement limité par la légalité courante : mais, avec un gouvernement sympathique et une interprétation plus large des lois existantes, d’importans progrès sociaux sont cependant réalisables par la multiplication progressive des services publics, les conditions du travail imposées dans les entreprises communales.

  1. Neue Zeit, mai 1896.