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société actuelle, était éclatante comme le soleil. Ils voulaient que, sans se laisser arrêter par l’annulation de leurs décisions, elles traduisissent en arrêtés les revendications ouvrières. Elles entraîneraient par là cette fraction encore hésitante du prolétariat, qui est malheureusement la grande majorité. Les conflits qu’elles soulèveraient avec le pouvoir mettraient d’autre part hors de doute pour la masse que la première étape révolutionnaire est la conquête de l’État[1].

Et sous cette inspiration, les Congrès ouvriers s’occupaient uniquement du rôle des municipalités de l’avenir, après la révolution prochaine, mais décidaient qu’il n’y avait rien à faire pour le présent[2].

Cependant on voyait bientôt les hommes dirigeans du parti socialiste changer de tactique et de langage. Par suite de l’accroissement rapide des grandes villes, de l’affluence de la population ouvrière, de la propagande et du suffrage universel, Paris, la ville-lumière, allait se trouver de beaucoup dépassée par la province. Paris ne sera bientôt plus à la tête du mouvement d’émancipation politique et social ! Avant 1892, il n’existait que deux municipalités socialistes : Saint-Ouen et Roanne. En 1892, il fallait y ajouter Roubaix et Narbonne. L’année suivante se constituait un parti socialiste à la Chambre, grâce à l’alliance électorale de M. Goblet et de M. Millerand. Aux élections municipales de 1896, les socialistes s’emparaient des municipalités de Commentry, Montluçon, Marseille, Toulon, Limoges, Calais, Lille, Dijon, et d’autres encore, moins importantes. Ils sont encore loin, assurément, de posséder les 36 000 communes de France. Mais il faut tenir compte de l’influence des grandes villes, de leur rayonnement sur les communes rurales. Désormais la conquête des municipalités et les programmes de réformes municipales vont passer au premier plan.

Dès 1891, le parti ouvrier, au Congrès de Lyon, élaborait un programme minimum qui comprenait la journée de huit heures, la suppression de l’octroi, des bureaux de placement, l’établissement de crèches, de maternités, d’asiles, de bureaux de consultations judiciaires.

Dans une interpellation de M. Guesde à la Chambre, le 20 novembre

  1. Programme du Parti ouvrier, p. 77-78.
  2. Rapport sur les résolutions des Congrès ouvriers de 1876 à 1883, par Jean Dormoy.