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etc. D’autre part, des préoccupations électorales, inavouables et pourtant avouées, ont exercé sur le plan même une influence déterminante, au détriment de la population tout entière. On a refusé le raccord de la ligne métropolitaine avec les grandes Compagnies, par crainte de voir les ouvriers quitter les sombres faubourgs, s’éparpiller au bon air de la campagne, y vivre à meilleur marché : on tient à garder sous la main les électeurs mécontens ; on ne veut pas de soupape de sûreté ; et c’est là une des raisons pour lesquelles les socialistes sont hostiles à l’expansion coloniale. Cependant les députés socialistes à la Chambre réclament à cor et à cri aux Compagnies des trains pour les ouvriers. On entrevoit ici un des dangers, et non des moindres, du socialisme municipal, du socialisme politique en général : la primauté des soucis électoraux même sur le bien-être des classes ouvrières.

Nous ne parlons que pour mémoire des actes de protection ouvrière accomplis par le Conseil municipal de Paris, l’édification de la Bourse du travail, l’organisation des travailleurs municipaux, les conditions de travail exceptionnelles qui leur sont faites, si bien que, dans les Congrès ouvriers, nous les avons entendu traiter par leurs camarades de « fonctionnaires, » la guerre aux bureaux de placement, etc.

Dans une apologie de l’action socialiste du Conseil municipal de Paris, M. Adrien Veber vantait le socialisme municipal, parce qu’il substitue la méthode d’évolution à celle de révolution : « En allant au-devant des revendications ouvrières, écrivait-il, on développe dans la classe laborieuse cet espoir que la grande œuvre de relèvement et d’émancipation peut se réaliser par la voie pacifique d’un travail organisé de chaque jour, on écarte l’opinion préconçue que c’est par la violence seule que l’on peut aider la classe ouvrière. »

Le socialisme municipal trouvait en France son théoricien dans M. Paul Brousse. Jadis étudiant en médecine à Montpellier, mêlé au mouvement révolutionnaire des années 1870, exilé en Suisse où, anarchiste extrême, il préconisait la propagande par le fait, et le meurtre de ces mêmes tyrans, qu’il fut plus tard exposé à recevoir solennellement à l’Hôtel de Ville, en qualité de vice-président du Conseil municipal de Paris, M. Brousse était déjà devenu un simple réformiste au sein de l’action communale, lorsqu’il écrivait sa brochure sur les Services publics.