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analyse, lui attribuer une plus grande importance qu’il ne convient. Je n’ai insisté sur la classification psychologique des sports que parce qu’elle m’a semblé rendre plus intéressant et plus compréhensible un sujet jusqu’ici peu étudié et aussi parce qu’elle contredit la distinction un peu prudhommesque entre « les exercices de force et les exercices d’adresse » dont il est ordinairement fait mention dans les discours de distributions de prix. En réalité il n’y a pas d’exercice dans lequel la force et l’adresse ne soient combinées et parfois, malgré les apparences, à degré égal. La plupart du temps, l’adresse consiste même à bien distribuer la force, et c’est ce qui fait que tantôt le public n’aperçoit qu’elle et que tantôt il ne l’aperçoit pas du tout. Dans le travail des poids, par exemple, le spectateur ne peut saisir l’instant où intervient le « truc » pas plus qu’il ne se rend compte dans la lutte à mains plates des ingénieuses applications que fait le lutteur des lois de la mécanique. Il n’y a pas de bon boxeur sans adresse ni de bon patineur sans force. Force et adresse ne sont, en somme, que des aspects. Équilibre et combat sont des attraits.

Je voudrais indiquer maintenant quels sont les effets psychologiques des sports sur ceux qui s’y adonnent. De nos jours, on en étudie avec grand soin les effets physiologiques. Des expériences curieuses se poursuivent qui éclaireront complètement la question. Mais le côté psychologique est demeuré dans l’ombre. Loin de ma pensée l’ambition de faire la lumière sur un sujet aussi délicat. Je me borne en tout ceci à exposer, à titre documentaire, le résultat d’observations personnelles.

Tout d’abord, il faut se rappeler que la physiologie et la psychologie ont des frontières communes imparfaitement délimitées. Un des principaux effets physiologiques des sports est de discipliner, de classer les muscles. À l’appel d’un débutant, un grand nombre de muscles entrent en action qui n’ont rien ou presque rien à voir dans la manœuvre demandée. Par leur zèle ignorant, ils la gênent et la font échouer. Ce n’est que peu à peu qu’on leur persuade de se tenir tranquilles. En fait d’exercice physique, la gaucherie provient huit fois sur dix d’un excès et non d’une insuffisance d’actionnement musculaire. Elle disparaît à mesure que se fait l’éducation des muscles. Alors les mouvemens deviennent certains, le geste est assuré, le regard s’accoutume à des évaluations de distances exactes et rapides. Un peu de cette assurance