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pourquoi et comment ferait-il davantage ? Restituer aux muscles dans l’équilibre humain leur rôle trop longtemps méconnu, ce n’est pas les égaler à la pensée, dont ils doivent rester les humbles serviteurs. En réponse aux exagérations d’un publiciste qui s’inquiétait naguère de faire « rendre au Muscle les honneurs souverains, » il n’est peut-être pas mauvais de rappeler en passant que les honneurs souverains ne sont dus qu’à l’Esprit.

Mais la constatation de ce fait que les sportifs sont le plus souvent des gens occupés, ne nous entraîne pas si loin ; il s’agit ici d’employés, d’hommes ayant une carrière, une profession, parfois même exerçant un métier manuel : ces derniers ne sont pas les moins ardens. En Angleterre, nombreux sont les ouvriers, — mineurs ou autres, — qui consacrent au sport leurs heures de récréation, et ce n’est sûrement pas leur genre d’existence qui les y pousse, puisqu’elle n’est ni sédentaire, ni exempte de fatigue musculaire. Aux États-Unis, où les milieux sont souvent très mélangés au point de vue de la race, on peut faire des observations analogues, et l’Europe continentale me paraît devoir confirmer l’expérience anglo-saxonne. Ne serait-on pas en droit d’en conclure que le sport est une des formes de l’activité, qualité qui ne dépend ni de l’intelligence, ni même de la santé et qui est loin d’être universellement répandue, mais à laquelle la civilisation moderne sert d’aiguillon en lui procurant des occasions multiples de s’utiliser ?

Il est assez difficile de déterminer la nature de l’attrait qui agit sur cette catégorie d’actifs, car elle peut se modifier selon les individus. Psychologiquement pourtant, les sports semblent se ramener tous à deux groupes principaux. Les uns sont des sports d’équilibre et les autres, des sports de combat. Le mot : équilibre, est pris ici dans le sens d’entente, d’harmonie. L’aviron, le patinage, l’équitation, la bicyclette, le tennis, la gymnastique aérienne… sont des sports d’équilibre ; l’escrime, la boxe, la lutte, la natation, l’alpinisme, la course à pied, le foot-ball… sont des sports de combat. Une brève analyse légitimera cette classification peut-être inattendue.

Prenons l’aviron. Le rameur novice, dans sa yole à bancs fixes, peut éprouver de la satisfaction à vaincre la double résistance que lui opposent l’élément liquide et sa propre maladresse, mais dès qu’il aura acquis assez d’expérience pour pouvoir monter