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la psychologie du sport.

que le phénomène a déjà fait dans le monde des apparitions antérieures : Athènes et Rome furent, avant Londres ou Stockholm, de grands centres athlétiques.

Quels sont ceux qui aiment le sport et pourquoi l’aiment-ils ? L’instinct sportif n’est pas un instinct qui sommeille en chacun de nous et qui s’éveille et se développe selon le hasard des circonstances. Il est fort inégalement et capricieusement distribué parmi la jeunesse. On ne doit pas le considérer comme une prolongation de ce besoin de remuer, de cette tendance à se dépenser qui sont innés chez l’enfant. Il apparaît au plus tôt pendant l’adolescence, parfois seulement aux approches de la virilité : il n’est ni une preuve de santé, ni la manifestation d’un surcroît de force constitutionnelle. J’ai observé en maintes circonstances de jeunes enfans qu’on avait systématiquement habitués à la pratique des différens sports, — ou bien des adolescens sur lesquels avaient agi soit l’exemple de camarades influens, soit le désir de briller dans des concours et d’y récolter des applaudissemens, — ou bien encore des jeunes gens vigoureux, agiles, bien découplés, ayant paru goûter l’entraînement forcé du régiment. Ni les uns ni les autres n’avaient acquis de la sorte l’instinct sportif qui leur manquait ; l’habitude, sur ce point, ne leur avait pas tenu lieu de seconde nature, et, dès qu’avait cessé l’action tout extérieure et artificielle — persuasion ou contrainte — à laquelle ils obéissaient, ils avaient délaissé des exercices qui, sans leur déplaire, ne répondaient cependant en eux à aucun besoin, à aucune impulsion irrésistibles. Or, ce besoin, cette impulsion se font jour fréquemment chez des individus placés dans des conditions absolument inverses, c’est-à-dire n’ayant eu, ni par éducation ni par camaraderie, de contact avec le sport, et doués d’ailleurs de moyens physiques très imparfaits.

Une autre observation que je n’hésite pas à formuler, — bien qu’elle contredise une opinion très répandue, — c’est que la plupart des sportifs sont des gens occupés : je ne dis pas des intellectuels ou des hommes mentalement supérieurs aux autres. Cela serait absurde. Quand M. Bourget a écrit que le mariage de la haute culture et des violens exercices physiques était « fécond en splendeurs viriles, » c’est du caractère qu’il a voulu parler et non de l’intelligence. Sans doute l’exercice physique éclaircit le cerveau en fournissant au travail cérébral un utile contrepoids, mais