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en Annam ; mais de favoriser, d’encourager, par tous les moyens, le mariage chrétien ou monogame. À cette fin, il faudrait, comme l’abbé Lemire l’a demandé à la Chambre[1], étendre la catégorie des administrateurs français qui ont qualité pour remplir la fonction d’officier d’état civil, et remplacer les pièces écrites par la preuve testimoniale. Le mariage religieux, d’ailleurs, qu’il eût été célébré d’après le Coran ou suivant l’Évangile, ne serait légal que lorsqu’il aurait été confirmé par le magistrat français et attesté par un certificat, qui porterait mention de la somme payée par le mari aux parens de sa femme. C’est surtout par l’éducation des jeunes fiilles et en assurant à l’épouse monogame certains avantages que l’on élèvera peu à peu la conception que les noirs se font du mariage et que l’on préparera le triomphe de la monogamie. Les résultats obtenus par les Collèges américains de jeunes filles syriennes ou turques, à Beyrouth et à Damas, sont encourageans. L’exemple des bonnes mœurs et de l’union des familles monogames, chez les nègres chrétiens des États-Unis, est aussi de bon augure. Ce qui importe donc, avant tout, pour préparer l’époque de l’abolition de l’esclavage domestique et faire en sorte que cette opération soit bienfaisante et non pas funeste aux principaux intéressés, c’est d’initier peu à peu les noirs aux conceptions chrétiennes du travail et de la vie de famille, en écartant d’eux, autant que possible, les vices qui sont les vers rongeurs de notre société européenne : l’alcool et la débauche. Et quel meilleur moyen d’atteindre ce but que d’encourager les travaux des missionnaires qui, comme les Pères du Saint-Esprit, les Pères Blancs ou les missionnaires protestans français, ont déjà fondé parmi eux des églises, des fermes-écoles, des ateliers professionnels ? Quels hommes, mieux que ces ministres désintéressés et austères de l’Évangile, peuvent leur inculquer, lentement, patiemment, les idées de beauté morale, de noblesse du travail, de respect de la femme, de sollicitude pour l’être humain le plus pauvre et le plus infirme ?

Mais, ici même, il y a un écueil à éviter, ce serait de vouloir importer chez les noirs notre genre de vie, nos coutumes, notre civilisation européenne. Nos usages sont souvent si incompatibles avec le climat d’Afrique, et l’organisation sociale des noirs, qu’ils y répugnent, et alors, ils se jettent de préférence dans

  1. Bulletin de la Société anti-esclavagiste de France, mars 1900. Article sur « le Mariage des indigènes au Congo. »