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de persévérance que d'énergie à réprimer la traite, ce qui était difficile, parce qu'il se faisait auparavant dans le golfe de Tadjourah un commerce d'environ 20 000 esclaves par an, qui étaient exportés en Arabie. Dès que le sultan de Loïtah eut accepté notre protectorat, il exigea la fermeture du marché d'esclaves qui se tenait dans ses États. De plus, M. Lagarde conclut avec le sultan de Tadjourah (28 octobre 1889), et peu après avec le bey de Djibouti, deux conventions déclarant l'esclavage aboli sous n'importe quelle forme. Rien de plus honorable pour lui que le témoignage du major Hinters, consul britannique à la côte de Somalis. « M. Lagarde, dit-il, a exposé sa personne et même sa vie en intervenant contre des négriers qui voulaient importer des esclaves à Tadjourah. » Notre consul général, aujourd'hui chef du protectorat à la côte des Somalis, après avoir barré cette route à la traite par un contrôle rigoureux exercé dans le golfe de Tadjourah, s'efforce maintenant de réduire l'importation des armes et munitions de guerre dans toute l'Abyssinie, en la limitant au seul port de Djibouti.

M. H. Laroche n'a pas moins bien mérité de l'humanité, en décidant le gouvernement de la République à abolir l'esclavage à Madagascar. On a vu plus haut que la traite avait été supprimée dans la grande île africaine et que la reine des Hovas, sous l'influence des missionnaires chrétiens, avait fait une série de lois, qui amélioraient beaucoup la condition des esclaves et l'avaient rendue plus douce que celle des colonies en général. M. Laroche nommé résident général en janvier 1896, et arrivant dans une situation troublée, se mit de suite à l'étude de la question de l'esclavage. Après cinq mois d'enquête auprès des indigènes, il se convainquit que l'opinion était mûre et que maîtres et esclaves s'attendaient à l'abolition. Dès le 4 juin, il interdit les ventes d'esclaves, par une circulaire aux chefs de districts. Il nomma ensuite une commission pour examiner la question d'opportunité, où il fit entrer le procureur général, des ingénieurs et deux missionnaires, un catholique, un protestant. Cette commission, qui siégea à Tananarive sous la présidence de M. Laroche, se prononça en majorité pour l'abolition immédiate et eut l'idée plus spécieuse que juste de présenter aux propriétaires d'esclaves l'émancipation comme l'équivalent d'une contribution de guerre qu'on eût été en droit d'exiger. C'est sur son avis, corroboré par le vote de cette commission, que le gouvernement français télégra-