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doute de Pascal est un regard de la foi, et sa foi a toute sorte de liens à son doute. Il est admirable que personne n’ait parlé de Pascal plus pauvrement, ni avec plus de louanges, qu’un philosophe et qu’un géomètre de profession. C’étaient, à la vérité, gens de métier, l’un et l’autre, et qui lui devaient bien de le louer sans l’avoir compris.

« Certain grand maître de philosophie, qui n’est pas si loin non plus de l’être de danse et de maintien, s’indigne du bon marché que fait Pascal de la philosophie. Il le trouve bien peu réservé avec le fond des choses. Il le juge outré dans sa foi, et outré dans son doute. Il le blâme pour son dédain des philosophes, et le gourmande sur la violence sombre de sa religion. Après quoi, on ne sait guère ce qu’il en accepte : et Pascal dirait peut-être avec amertume, que c’est l’auteur et le bel esprit de profession. Mais Pascal n’est assurément Pascal que pour ne se point satisfaire de la religion ni de la philosophie de M. Cousin, — si tant est qu’il y ait rien qui réponde à ce mot-là. Et bien plus, pour tout dire, Pascal n’est Pascal, que pour ne se point contenter des places et des cordons que l’on trouve en ce monde. M. Cousin le reprend sur ce que « la philosophie ne vaut pas une heure de peine, » et que Pascal ne pardonne pas à Descartes : c’est, croit-il, ne pas bien juger le grand homme de la Méthode, et le méconnaître. C’est le mieux connaître, au contraire, qu’il ne fût jamais connu de personne, ni de lui-même, peut-être. Et M. Cousin peut en penser ce qu’il lui plaira : Pascal sait mieux son Descartes et sa philosophie que lui.

« Si l’Évangile est le vrai, il n’est pas une carrière aisée, où l’on se promène, donnant et prenant de toutes mains. Jésus-Christ n’est pas mort sur la croix pour la commodité du chrétien, mais pour son exercice sur la terre. Et la raison n’est pas non plus la superbe ennemie qu’on abat en la flattant, ni celle à qui l’on s’abandonne pour la vaincre. La foi de Pascal n’est point une bonne femme à tout faire, qui nettoie la chambre du vivant, et lui prépare un lit moelleux en paradis. Elle se fait servir, et ne sert pas. De la même manière, austère avec l’austérité, Pascal est méprisant et dur pour ce qu’il méprise et déteste en effet. Le mot qu’il a sur Descartes est le plus profond, et qui dit tout : « Il voudrait bien, dans toute sa philosophie, se pouvoir passer de Dieu ; mais il n’a pu s’empêcher de lui accorder une chiquenaude, pour mettre le monde en mouvement ; après cela, il n’a plus que faire de