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quelques milliers ? Il semble que l’imminence du danger commun devrait faire taire toutes les susceptibilités, toutes les rivalités, pour laisser à la puissance qui serait prête la première le soin d’agir au nom de toutes. Quelle serait cette puissance ? On n’aurait même pas l’embarras du choix : les Russes seuls ont en ce moment sur les lieux des forces suffisantes pour faire sur Pékin une démonstration effective. Si quelque gouvernement devait en prendre ombrage, assurément ce ne serait pas le nôtre, car, indépendamment de nos relations particulières avec la Russie, tous nos intérêts sont au Sud de la Chine. Ils sont d’ailleurs menacés, et cela montre l’étendue d’un mouvement qui a éclaté à la fois à l’Extrême Sud et tout au Nord de la Chine. Nos consuls, dans les provinces limitrophes du Tonkin, ont dû chercher un refuge dans notre colonie, et le gouvernement a mis à leur disposition les forces dont il dispose pour leur permettre, s’il y a lieu, d’aller au secours de nos nationaux ou de nos protégés. C’est donc une situation très grave que celle qui vient d’apparaître en Chine, et peut-être sommes-nous à la veille des plus sérieuses complications.


Nous ne dirons pour aujourd’hui qu’un mot des élections italiennes, à savoir qu’elles ont été conformes à ce que nous avions prévu. Le gouvernement a gardé sa majorité, mais plutôt diminuée qu’augmentée. L’opposition constitutionnelle a été assez éprouvée ; mais, comme elle l’a été au profil de l’opposition non constitutionnelle, le gouvernement a perdu plus qu’il n’a gagné à l’échange. Il y a en outre quelque chose d’inquiétant à constater que les succès des socialistes et des républicains se sont produits dans les provinces du Nord, c’est-à-dire les plus riches et les plus éclairées de l’Italie, et jusque dans celles qui étaient jusqu’à ce jour la forteresse du loyalisme monarchique. Le général Pelloux se tromperait s’il regardait ces élections comme une victoire. Que fera-t-il ? Il retrouve sa majorité, soit, et il peut dire que le pays a désavoué les obstructionnistes ; mais ceux-ci répondront que leurs électeurs les ont approuvés, puisqu’ils les ont renvoyés plus nombreux. Était-ce la peine d’agiter le pays par des élections générales pour aboutir à un résultat dont ce qu’on peut dire de mieux est qu’il est négatif ?

Francis Charmes.
Le Directeur-gérant,
F. Brunetière.