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ne fixe pas les destinées de l’art flamand qui pendant tout le XVIe siècle cherche une métropole. Il y a des écoles à Bruxelles, à Malines, à Liège comme à Anvers. Les peintres se sentent à l’étroit dans ces villes soumises à un régime uniforme. Et comme un nouveau courant d’idées entraîne le monde, ils s’y jettent d’un élan admirable. Les gothiques avaient voyagé en répandant partout leur méthode. Les peintres néerlandais du XVIe siècle partent pour s’assimiler les conquêtes nouvelles de la pensée et de l’art. Leur courage, leur curiosité spirituelle, sont inépuisables et infatigables. On aurait tort de croire qu’ils se confondent avec la masse des maîtres italiens. Ils forment un groupe bien distinct, bien homogène, où les rois, les princes vont choisir leurs peintres officiels. Les romanistes, au dire de Guicciardini, sont partout, en Danemark, en Suède, en Norvège, en Pologne, en Moscovie, en Angleterre, en Portugal, en France où Dubois participe au mouvement artistique de Fontainebleau, en Espagne où de Kempeneer fonde l’école de Séville.

Loin d’être, comme on l’a toujours dit, les humbles élèves des maîtres ultramontains, ils jouissent en Italie d’un prestige incontesté. Calvaert eut pour élèves le Guide, l’Albane et le Dominiquin qui marchent à la tête de la pléiade bolonaise ; les paysages de Paul Bril se retrouveront plus tard idéalisés et ennoblis dans l’œuvre de Poussin. On cite souvent l’exemple des Léonard de Vinci, des Léon Alberti, d’autres génies de la Renaissance italienne qui réunissaient en eux les connaissances et les aptitudes de l’humaniste, du philosophe, de l’archéologue, du poète, du musicien, de l’architecte, du peintre, du sculpteur, de l’orateur, de l’ingénieur, — voire de l’athlète et du guerrier. Quelques-uns des romanistes, sans égaler ces dieux de l’art, sont tout aussi déconcertans par la variété de leurs travaux. Pierre Coecke, peintre de Charles-Quint, fut en même temps architecte, sculpteur, graveur, géomètre. Lombard, fondateur de l’école liégeoise, s’exerça avec succès à la poésie, à l’archéologie, à l’architecture, à la gravure. Goltzius fut peintre, imprimeur, numismate, explorateur. Fourbus, portraitiste vigoureux, était géographe. Lancelot Blondeel, dont certaines peintures sont d’une délicatesse rare, a fourni les dessins de la magnifique cheminée du Franc de Bruges et tracé pour l’élargissement et le redressement du Zwin des plans qui provoquent encore aujourd’hui l’admiration de tous les ingénieurs hydrographes. Otto Venius enfin, le maître de Rubens,