Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/911

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les plus marquantes de l’art italien aux primitifs flamands : Raphaël par le Pérugin, le Pinturicchio et Signorelli dont il dérive ; Michel-Ange par Ghirlandajo son maître ; Léonard de Vinci par Verocchio ; enlin tous les Vénitiens illustres : le Tintoret, Paul Véronèse, le Titien par les Bellini, élèves de cet Antonello de Messine qui fut le disciple de Roger Van der Weyden.

IV

Transportons-nous de nouveau à présent dans les Pays-Bas. Nous avons atteint le XVIe siècle. Des changemens considérables ont transformé le monde. Les dernières lueurs du moyen âge s’éteignent ; l’ère moderne commence. Toutes les provinces belges sont réunies sous le sceptre de la maison d’Espagne et le centre social se déplace. Bruges a perdu l’hégémonie de l’art. La peinture n’a plus que quelques représentans dans la partie occidentale du pays ; les provinces brabançonnes l’emportent à ce moment sur la Flandre pour l’activité esthétique de sa population. L’art flamand est entré dans une phase transitoire de son existence, — cette fameuse époque des romanisans ou romanistes si mal comprise jusqu’à nos jours et qui, par le labeur énorme, les hautes facultés intellectuelles de ses représentans est presque aussi grande que la belle période initiale ou l’éblouissante péroraison de l’ancienne peinture en Belgique.

Un grand peintre à Anvers, O. Matsys, la plus noble figure de l’art flamand après Van Eyck et Rubens, porte en son génie le germe de l’art futur. Ses personnages religieux ont encore la candeur, la grâce intime, surhumaine des maîtres brugeois ; sous les étoffes mystiques on devine des corps riches et souples, animés d’une vie puissante qui démentent le sentiment ascétique du visage. Les couleurs sont presque toujours polies, émaillées comme au siècle précédent ; mais regardez au musée de Bruxelles certains volets de la Légende de sainte Anne (la « Présentation au temple » par exemple) et dites si la manière hardie, rapide, cursive de Rubens ne fait pas une première apparition dans les larges étoffes et les pompeux ornemens des prêtres. Il semble donc que la peinture flamande va trouver un nouveau guide en ce profond artiste qui fut pieux, dramatique, jovial aussi, qui aima tour à tour la simplicité et la richesse comme tous les grands hommes de sa race. Eh bien, non ! Matsys n’est qu’un grand précurseur. Il