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a réussi à en livrer 107 millions. Cependant la cause principale de la mévente des céréales, c’est le perfectionnement des moyens de transport, dont nous nous sommes déjà occupé. La navigation à vapeur et les chemins de fer ont provoqué la colonisation de parties très lointaines de la planète. Des producteurs jadis inconnus ont surgi, et des concurrens, dont on se fût considéré comme étant à jamais défendu par la distance, sont entrés en lice. Les tarifs de transport des marchandises par terre ou par mer ont subi de telles réductions que, souvent, les milliers de kilomètres ne comptent presque plus.

En cette conjoncture, l’avantage devait appartenir aux contrées qui sont en possession de grands et fertiles territoires et qui bénéficient, en outre, soit du bon marché de la main-d’œuvre, soit du développement des procédés mécaniques réagissant jusqu’à un certain point contre la cherté des salaires. Les États-Unis, l’Argentine, la Russie, les Balkans, l’Egypte, l’Inde, en se livrant à la culture du blé l’ont rendue à peu près inabordable aux vieux pays d’Europe à production onéreuse. Plusieurs nations ont alors relevé les droits de douane pour s’en faire une digue protectrice ; la crise agricole ne les a point laissées indemnes ; et, comme leurs dispositions législatives ne sauraient modifier la situation générale, elles n’ont pas entièrement repris confiance.

Mais nous ne sommes pas encore au bout. Le fléchissement des cours du blé a entraîné, pour les terres à céréales, sur lesquelles les autres cultures ne réussissent que médiocrement, une dépréciation correspondante. Ce qui valait 100 ne vaut plus guère que 50 à 60. Le fait a un caractère alarmant, car c’est un capital qui s’est fondu sans qu’il y ait eu de la faute de son possesseur, c’est un appauvrissement qui frappe les grands et les petits, et fait déchoir des provinces entières. Voici, à ce sujet, quelques statistiques.

V renons les années 1S79-1882, et 1895 en Allemagne ; les prix moyens du blé ont été 26 fr. 25 et 18 francs les 100 kilos.

A Paris, le mouvement a été en 1892, 23 fr. 20 et en 1895, 19 fr. 37, baisse très accentuée en dépit du tampon des droits protecteurs.

Une étude comparative pour les grands marchés du monde mène à la conclusion que la baisse du blé a été d’environ 40 p. 100 dans ces derniers vingt-cinq ans. Mévente du blé et, comme conséquence,