Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/875

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il fut un temps où les mots de paysan et d’ignorant étaient synonymes. Or, le progrès de la démocratie a poussé à l’amélioration des moyens d’instruction, et, bien que les campagnes ne marchent jamais de pair avec les villes, elles n’ont pas laissé néanmoins de participer au mouvement. Leurs écoles ont gagné en quantité et en qualité. Par suite de la création des chemins de fer et des tramways, les enfans des campagnards ont pu, dans bien des cas, aller demander à la ville voisine une culture plus avancée. Il n’est pas rare non plus, en certaines provinces, qu’on les fasse bénéficier d’un séjour à l’étranger, soit par voie d’échange entre familles habitant des pays de langue différente, soit autrement. Plus instruits et, par là même, plus portés à faire des comparaisons entre leur état et celui des autres, à éprouver des besoins nouveaux et à souffrir de ce qui leur manque, les hommes oseront aussi davantage. Tel enfant formera des projets auxquels n’eût jamais osé s’arrêter son père et qui, pour son grand-père, eussent semblé pure folie. Le sort en est jeté, il ne restera pas au village. Il avise nombre de carrières auxquelles il estime pouvoir aspirer. Le difficile sera peut-être de faire les premiers pas, de traverser la période d’apprentissage ou de volontariat. Mais la ville n’est plus aussi éloignée qu’autrefois, car les moyens de transport se sont perfectionnés, la vapeur et l’électricité ont singulièrement réduit les distances, et il y a souvent moyen de continuer à vivre à la campagne, tout en travaillant à la ville. Et puis, le désir est ingénieux à se procurer des appuis matériels.

Les familles s’imposent assez volontiers des sacrifices quand il s’agit pour elles d’assurer l’avenir de leurs jeunes membres, d’autant plus qu’en allant gagner leur vie au dehors, ceux-ci feront la place plus large à ceux qui resteront au pays, qu’ils pourront leur faire honneur et leur devenir un appui. Bref, l’école moderne donne des ailes, elle encourage les initiatives et les élans juvéniles.

Un troisième facteur à signaler, c’est le perfectionnement des moyens de transport que nous venons déjà de toucher en passant.

Autrefois, le village était séparé de la ville par un espace qui opérait comme une barrière. Mais il n’en a plus été de même, du jour où les chemins de fer et les tramways se substituèrent à la diligence et à l’omnibus, qui déjà constituaient eux-mêmes un progrès marqué dans les moyens de circulation. Et ne mentionnerons-nous pas aussi ces derniers progrès : la bicyclette, que